mardi 6 novembre 2012

Kaboul samedi 3 novembre 2012


Retour en Afghanistan pour une... 5ème ?... mission au FMIC, French Medical Institute for Children, l'hôpital d'enfants de Kaboul. Départ de Pau hier matin. Air France vient d'arrêter sa grève - merci Air France - et je vole sans encombre de Pau à Paris et de Paris à Dubai. Avant d'embarquer pour Dubai, je retrouve Agnès, sage-femme, et Jean-Michel, chef de service de gynéco obstétrique à Pontoise, qui viennent, pendant une semaine, faire une évaluation dans le cadre du projet de l'hôpital mère-enfant dont la 1ère pierre a été posée en octobre. C'est un projet ambitieux et formidable pour ce pays où les accouchements se font dans des conditions déplorables d'hygiène et de souffrance et où la mortalité et la morbidité néonatales sont très élevées. À Dubai, il faut : faire une heure de queue pour passer la police, récupérer les bagages dans un joyeux bordel de sacs déjà sortis du tapis roulant et entassés par terre n'importe comment, prendre un taxi pour rejoindre le terminal 2, terminal pourri excentré du terminal 1 — tout en dorures et scintillements, lui — enregistrer de nouveau les bagages, repasser les formalités de police et attendre 4 heures le décollage vers Kaboul. A côté de l'inévitable Mc Do qui pue, nous trouvons un petit boui-boui où un serveur adorable nous concocte un délicieux cocktail de fruits frais dont nous nous régalons. Le cocktail ne fait pas avancer  plus vite les aiguilles de l'horloge qui égrène les heures à un rythme interminable. Je m'endors, la tête posée sur la table et c'est l'annonce tout en douceur de l'embarquement pour Kaboul qui me fait sursauter. Je mets le pilote automatique pour sortir ma carte d'embarquement, monter dans le bus, escalader la passerelle de ce Boeing 737 tout neuf de la compagnie FlyDubai qui fait 7% de réduction à La Chaîne de l'Espoir, boucler ma ceinture et me rendormir. Le steward me réveille pour me proposer un repas dont je ne veux pas et je m'aperçois que l'avion est pratiquement vide. Vite allongée, vite rendormie, je me réveille 3h30 plus tard alors que nous amorçons la descente. Il fait un temps splendide, grand soleil dans un ciel d'azur où se découpent les montagnes sombres qui entourent la ville, posée dans une cuvette à 1500 m d'altitude. Sur les collines environnantes, les maisons en torchis où habite la plus grande partie de la population; c'est là que loge la majorité du personnel du bloc.  Il est 7h45 — Paris + 3h30 — bienvenue à Kaboul en ce matin de novembre d'un automne aux saveurs de printemps. Les températures sont douces, les lumières sont belles, Agnès et moi nous voilons avant de descendre de l'avion. Et puis il faut encore remplir des formulaires, coller des photos d'identité, signer des papiers et récupérer nos sacs, bien arrivés mais de nouveau balancés par terre, on a l'habitude. Pour des raisons de sécurité, le parking est assez loin de l'aéroport mais je connais la route et nous retrouvons notre chauffeur qui me serre dans ses bras au risque de m'étouffer. Trajet sans encombre jusqu'au FMIC, mais la circulation est intense et il faut passer en force à coups de klaxon et de manœuvres intempestives. La ville a l'air calme mais... On est à Kaboul... Alexander, le médecin pédiatre responsable de l'hôpital, me confirme que ponctuellement il n'y a pas de problèmes de sécurité, mais que les conditions changent vite et qu'il faut rester vigilant... On est à Kaboul... Vite fait, un thé et je pars au bloc où je retrouve mes amis. Rassoul est toujours le chef de service d'anesthésie et son sourire éclatant à mon arrivée traduit, à l'évidence, le bonheur de nos retrouvailles. Les infirmiers anesth ont changé, il reste 3 anciens et il y a 2 nouveaux. Et c'est le défilé des infirmiers du bloc, welcome in Kabul, welcome in Afghanistan... Mohammed Din, mon ami de longtemps, depuis l'ouverture de l'hôpital il y a 6 ans, est off aujourd'hui mais sera là demain. C'est le seul infirmier afghan formé pour la circulation extra corporelle en chirurgie cardiaque.
Bon, Rassoul, perdons pas not' temps; il me pousse au bloc 2 où l'anesthésiste n'arrive pas à piquer un bloc de bras chez un adolescent de 15 ans, pas d'problème, chuis spécialiste, il me happe ensuite vers le bloc 4 pour aider l'infirmier à endormir un petit de 3 ans qui a un pied bot et trois p'tits tours et puis s'en va. Je tente de reprendre mes marques, mais je suis un peu fatiguée et, de toute façon, l'infirmier gère très bien avec ou sans moi. Cantine à 14 heures, assiette de riz traditionnelle que je partage avec Amina, l'anesthésiste responsable de la réa. Nous sommes heureuses de nous retrouver. Je l'avais quittée épuisée, débordée de boulot, envisageant de tout plaquer, je la retrouve détendue, souriante, apaisée. Il y a maintenant pour l'aider 6 médecins en réa, des jeunes motivés et compétents et elle peut bien travailler. Je lui offre des cadeaux, un peignoir en éponge, des gels douche, des dentifrices et des parfums et je vois son sourire s'élargir au rythme des objets qui sortent de mon sac. Elle me remercie de ne pas l'avoir oubliée mais comment oublier Amina, son sourire, sa douceur et sa gentillesse et accessoirement son sérieux et sa compétence ?  
16h, le programme opératoire est terminé, je vais en réa pour les transmissions à l'équipe de garde qui vont me permettre de faire connaissance avec les petits patients. Comme d'hab, le service est plein, 15 lits, 15 enfants, dont 6 bébés de moins de 15 jours, souffrance et infection néonatales. Les autres ont entre 3 mois et 3 ans, 4 ont des séquelles neurologiques irréversibles, encéphalite ou hémorragie méningée et il est question d'interrompre l'assistance respiratoire et de les faire rentrer à la maison... Au bout de la salle, Abdullah, 9 ans, est un petit garçon orphelin dans le coma. C'est son oncle qui veille sur lui et tire sans cesse sur ma blouse en répétant Pakistan. J'appelle un infirmier qui parle anglais et qui m'explique que l'oncle veut que j'emmène l'enfant au Pakistan pour le soigner; il est sur la liste des enfants qui ne guériront pas...
Fin de ce premier jour en Afghanistan, je suis crevée, les autres que je retrouve aussi. Je bois un thé en tapant mon journal de mission, nous allons nous coucher tôt ce soir.




Le FMIC de Kaboul.



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire