dimanche 6 octobre 2013

Bangladesh septembre 2013 - À bord du Rainbow Warrior



Dakha  vendredi 27 septembre 2013

Troisième mission au Bangladesh pour Humaniterra. Cette fois, nous allons travailler sur l'ancien Rainbow Warrior, offert par Greenpeace à Friendship, réhabilité en bateau-hôpital  et rebaptisé Rongdhonu qui veut dire arc-en ciel. Il est amarré au sud, au large du golfe du Bengale.



Le Rongdhonu, ex-Rainbow Warrior.


C'est à Paris hier matin que notre équipe se constitue à l'embarquement d'Emirates pour Dubai. Hughes est chirurgien viscéral dans une clinique d'Aix en Provence, Isabelle et infirmière de bloc à l'hôpital d'Antibes, je suis l'anesthésiste de ce trio. Le courant passe très vite entre nous et je sais déjà qu'il n'y aura pas de souci.
Début du voyage mouvementé, retard de plus de 2 heures, lié à "un problème technique" sur l'avion et correspondance Dubai-Dakha récupérée à l'arrache dans la nuit. Arrivée à Dakha, on nous balade un peu pour faire notre visa mais au bout d'une heure, tout est ok. La récupération des bagages se déroule dans la cohue que l'on connait et la bonne surprise est que personne ne nous attend à l'aéroport. Heureusement, nous avons une liste des téléphones de Friendship et après de nombreux essais infructueux, Hugues réussit à joindre un portable et on nous envoie le chauffeur. Il y a eu un petit bémol dans la partition versus communication entre Humaniterra et Friendship qui nous attendait demain. 

Dakha et son indescriptible bordel, sa pollution et sa puanteur, ses décibels au taquet entre hurlements et Klaxons, ses rickshaws multicolores, ses guenilles et ses mendiants, son air étouffant saturé d'humidité, Dakha où l'on transite, mais où l'on ne se pose pas, mais Dakha qui ouvre aussi la porte de la mission.
C'est par contre à l'hôtel que nous nous posons avec plaisir pour une douche qui requinque et un repas très moyen à 300 takas / personne soit 3 euros. Break pour récupérer, balade en ville pour s'occuper et retour à l'hôtel où nous dormons ce soir.
Demain avion, voiture et bateau pour rejoindre notre hôpital flottant, la journée sera peut-être un peu longue... Le soir, nous dormirons sur le Rongdhonu...

C'est mon anniversaire aujourd'hui, j'ai un Rainbow Warrior en guise de cadeau et un arc en ciel comme autant de bougies pour l'illuminer le firmament,  superbe !!!
Je viens d'entendre le muezzin et je me sens bien, mes préoccupations de France sont déjà très, très loin.






Samedi 28 septembre  

Nuit moyenne à cause de la chaleur et du jetlag. On tue le temps en attendant l'avion pour Jessore , balade dans le vieux Dakha et dépose à l'aéroport, côté lignes intérieures. 800  takas, soit 8 euros, pour surcharge de bagages, passage en zone d'embarquement et nouvelle annonce : l'avion a 2 heures de retard, mais on a bien l'habitude maintenant. Alors que l'on embarque enfin et que l'on  roule, roule, roule, sans relâche sur la piste où la nuit est tombée depuis longtemps, l'avion s'obstine à ne pas vouloir décoller et on nous ramène au parking. Changement d'avion, ça devient juste comique et atterrissage enfin à Jessore, une capitale, où nos bagages sont débarqués sur le tarmac, en espérant que chacun retrouve ses petits au milieu de la nuit. 

Allez, on charge le minibus qui nous attend et je décide, par prudence, de confier ma peau à mon ange gardien, un mec bien, entraîné, qui a déjà fait le tour du monde avec moi. Il est vrai que, de nuit , sur ces routes étroites et chaotiques, entre rickshaws, vélos,  piétons , motos, tracteurs, camions et autres carrioles non éclairées, où chacun conduit à droite ou à gauche selon son humeur et ses envies... la conduite s'avère quelque peu périlleuse et, même si le chauffeur est excellent, volant dans une main et téléphone dans l'autre, les passagers  ne sont pas en sécurité absolue.   
Peu à peu, la route se fait plus étroite, nous longeons un cours d'eau puis une rivière plus large et la route s'arrête en cul de sac. Quelques lampes aux lumières vacillantes éclairent une barge à fond plat dans laquelle nos sacs sont chargés et plus loin, pas très loin en fait, on distingue la silhouette métallique et imposante du Ronghdonu faiblement éclairé,  notre bateau.





Court trajet sur notre petite barge et à l'abordage. Seul le capitaine Barberousse nous attend, les membres de l'équipe précédente qui repartent demain sont aux abonnés absents et nous les retrouvons au bloc, "ÉPUiSÉS" selon leurs dires, parce que leur voyage a été "l'enfer", nous dit l'infirmière - ah bon ! c'est pas pire que ça, l'enfer ? - et fiers de nous annoncer qu'ils ont travaillé "comme des brutes" tous les jours jusqu'à minuit, voire plus si affinité. Moi je les trouve juste totalement irrespectueux de faire bosser le personnel jusqu'à cette heure avancée de la nuit, d'autant que le cuisinier les attend pour dîner et qu'il est minuit passé !!! Le chirurgien, the chief of course, avec ses cheveux longs ondulés, sa barbe de quelques jours et ses airs de baba cool et de MÔSSIEUR je sais tout - normal pour une première mission - nous explique qu'ils ont pris 3 matinées de break parce qu'il n'est pas possible de rester toute la semaine enfermés dans cette boîte de conserve, à moins de devenir fou. Rappelle moi loulou, quand t'as signé, on t'a bien expliqué ce qui t'attendait ? Et personne ne t'a obligé à venir ? Alors, tes états d'âme, nous, vraiment  on s'en tape complet. L'anesthésiste est étrange, lui aussi; je me présente, il ne me répond pas, Hughes se présente à son tour et tout en continuant à marcher, il répond - "CHU Toulouse ". Bon ben voilà, maintenant qu'on sait tout sur vous, qu'on est rassuré parce que vous êtes des héros, qu'il est 1heure du matin et que vous sauvez encore le monde au bloc sur ce bateau et que le cuisinier, sans se départir de son sourire, vous attend toujours, nous on va se coucher.
Isabelle et moi partageons une microscopique cabine avec 2 couchettes superposées; nos sacs y ont été entassés et c'est comme cela qu'en me levant à  6h 45 dimanche matin, je me prends les pieds dans les sacs car il n'y a pas 1 cm pour marcher, je tombe, je rebondis sur une barre métallique et  je me casse une côte...





Dimanche 29 septembre

 Courte nuit, bonne nuit, les choses sérieuses vont pouvoir commencer. Petit déjeuner dans le carré de l'équipage où tous se retrouvent pêle-mêle, et c'est ce qui fait aussi le charme de la vie à bord. Jus de fruits sans goût, thé, nescafé, confiture locale, un peu bof,  toasts grillés, la classe ! On peut aussi avoir des œufs sous toutes leurs formes, du riz et des mixtures bengalis à manger exclusivement avec les doigts; et ça, si c'est pas le Hilton !!! Y a bien des gens qui payent des fortunes pour des vacances un peu exotiques et insolites, eh ben nous, on nous les offre !

D'abord on nous change de cabine et on nous installe, Isabelle et moi dans une cabine double beaucoup plus grande. Puis consultation dans un petit bureau où Hughes examine les gens, tandis qu'Isabelle et moi prenons des notes pour faire le programme. Nom qui fait fonction de prénom, âge, poids, on a une balance qui marche ! et pathologie. En fait nous ne voyons que de jeunes garçons et des hommes pour des hernies et des hydrocèles. Seule la 1ère est une petite fille de 5ans1/2 avec une hernie  inguinale, mais elle se met à pleurer, se sauve et nous ne la reverrons pas. Hugues est chirurgien viscéral et notre menu de la semaine sera donc hernies, hernies, hernies, hydrocèles, hydrocèles, hydrocèles. Versant anesthésie , ce sera rachi, rachi, rachi et rachi.

À la cuisine je retrouve Salim, le cuisinier de la péniche, et nous tombons dans les bras l'un de l'autre. J'imagine que cette mutation sur le Rainbow est pour lui une promotion. Ici sa cuisine est vaste, propre, fonctionnelle et je le sens heureux. Il se souvient que je suis végétarienne et que j'aime le poisson et promet de nous en faire demain. Gentil Salim, son sourire traduit son bonheur et son bonheur est communicatif. Comment ne pas être heureux ici ? Comment ne pas réapprendre à savourer les choses simples ? Délicieux repas, poulet, riz, aubergines, tout baigne dans l'huile, mais c'est couleur locale; Salim  ne nous quitte pas, veut toujours nous resservir, veut que nous fassions honneur à ce festin.
Les cabines et la partie repas sont sur le pont supérieur. Pour descendre au bloc, au fond du bateau, il faut emprunter une échelle verticale mais vraiment verticale, tellement verticale que je glisse et que je la descends entièrement sur le dos. Boumboumboumboumboumboumboum et badaboum, j'ai le temps d'entendre ma tête qui rebondit sur chaque marche; j'arrive en bas sonnée avec une grosse bosse et une petite plaie occipitale, ma côte cassée a un peu morflé, mais je me relève, indemne ou presque et je m'efforce de sourire. Allez, rien de grave, au boulot.

Salim.

Nous allons opérer 4 patients cet après-midi dont seulement 2 enfants, tous sous rachi anesthésie  avec une petite neuroleptanalgésie associée qui consiste à les faire dormir un peu pour qu'ils ne bougent pas et ne s'énervent pas, pas trop pour qu'ils ne s'arrêtent pas de respirer. Tout se passe dans le calme, perfusions, rachi, chirurgie, Isabelle et Hughes sont tous les deux gentils et efficaces, et la bonne humeur est de rigueur. Ça change d'ailleurs...  de France tout simplement... Quelques consults en milieu d'après-midi, pause thé, fin du programme à 19h45.

Isabelle et Hughes.




Le bloc : 3m x 2,5 m, 2 scialytiques sur roulettes, un moniteur cardiaque tout neuf,  un respirateur avec une cuve d'halothane, qui permet, comme en Mongolie, de ventiler si on ballonne à la main, je ne l'utiliserai pas. La table est tout à fait correcte, la salle est climatisée et je grelotte, tout est vraiment ok. 
En face, la salle de réveil, recovery, peut accueillir 4 patients et une infirmière y monte la garde jour et nuit. Les patients opérés y restent quelques heures ou une journée avant de remonter sur le pont du bateau où se fait l'hospitalisation sur des lits de camp très propres. Rien à voir avec l'hôpital de la plage de la péniche ! Concernant la nourriture, comme les familles ne peuvent pas cuisiner sur le pont du bateau pour les patients, ceux-ci sont nourris par Friendship pendant 3 jours car les hospitalisations sont de courte durée. En cas de complications bien sûr, les patients sont gardés quelques jours de plus; ils seront transférés si la situation n'est plus maîtrisée, ce qui est très rare.





Délicieux dîner et arrivée surprise de Runa, la fondatrice de Friendship, que je connais et qui est une femme exceptionnelle. Elle semble elle aussi heureuse de me voir et m'embrasse chaleureusement. Je lui présente Isabelle et Hughes et puis l'un de ses amis qui a amarré son bateau au nôtre vient l'inviter à dîner. Aussitôt arrivée, aussitôt repartie, ainsi est Runa, 3 p'tits tours et puis s'en va...
Dans notre chambre, malgré l'arrêt de la clim, il fait un froid polaire associé à un vrombissement digne d'un A380 avant le décollage. Un air glacé souffle par 2 bouches d'aération et entre le froid et le bruit infernal, je ne vois pas très bien comment nous allons pouvoir dormir. SOS !!! No problem Mary, it will stop à 10 pm, ok, j'attends. Mais à 10 pm + 30', il fait de plus en plus froid et le bruit s'est encore accentué , on ne s'entend même plus parler. 
Nouvel SOS et là c'est le capitaine en personne qui débarque et son second et son troisième, son quatrième peut-être, mais surtout Runa qui, de retour de son dîner et alertée par l'effervescence, vient en personne constater que la banquise est en passe d'envahir notre cabine. Elle sort, convoque tout le monde dans le carré et s'assied tandis que tous les autres debout devant elle se demandent à quelle sauce ils vont se faire bouffer. Elle hausse le ton et les mouches volent, puis s'envolent; dans la minute qui suit, l'Airbus coupe ses réacteurs et l'air glacial ne souffle plus par les bouches au-dessus de ma couchette, je vais enfin pouvoir dormir. Mais... eh oui, parce qu'il y a un mais, le  circus  recommence ce matin à 5 heures et je dois m'enfouir sous les couvertures pour tenter de me rendormir. Petit déje à 7h30, je chope le capitaine qui est very, very sorry... Je ne dirai rien à Runa puisque je n'ai même pas attrapé de pneumonie ! 




Lundi 30 septembre

Ici comme ailleurs, le petit déjeuner est un moment que j'aime. Salim se précipite, mais je lui dis que je peux me débrouiller toute seule. Il veut absolument me faire manger des œufs qu'il me propose sous toutes leurs formes, crus, cuits, brouillés, à la coque ou en omelette, et j'ai beaucoup de mal à lui faire comprendre que je n'en veux pas. Alors il sort son joker, des pancakes tout chauds qu'il a cuits exprès pour nous. 



Il pleut ce matin et c'est un peu triste,  d'autant qu'il pleut aussi dans le bloc et que nous devons essuyer le matériel qui a été mouillé. Isabelle et moi sommes au bloc alors qu'Hughes n'a toujours pas montré le bout de son nez. Au fond de notre bateau, dans notre bloc sans lumière extérieure, il règne une atmosphère étrange et c'est un peu comme si nous étions seuls au monde. En haut de notre échelle de meunier, la vie reprend, hommes et femmes avec des bébés dans les bras, saris multicolores ou voiles noirs ne laissant passer que les yeux, chacun attend calmement pour la consultation. Sur le pont du navire, les uns se reposent sur les lits de camp, d'autres discutent bruyamment tandis que les barges font la navette avec le rivage, amenant les uns, ramenant les autres, ceux-là mêmes qui me sourient en agitant les bras pour dire au revoir et peut-être aussi merci. Beaucoup de femmes me prennent par le cou, m'embrassent, me demandent mon nom et tentent de le répéter. - "mari, mairie, maria, mariam..." Tout y passe, mais qu'importe mon nom, seul le cœur parle et les yeux disent ce que les mots ne savent pas dire. Comme c'est bon d'être ici et comme la clinique me paraît, à cet instant, totalement dérisoire avec ses chirurgiens capricieux, ses infirmières parfois boudeuses, ses cris, ses non-dits et ce gaspillage que l'on banalise. Profiter de l'instant, savourer le présent et accessoirement respirer doucement pour économiser la douleur de ma côte défoncée.



 13h, nous sortons des entrailles du bateau pour aller déjeuner. Sur le pont supérieur règne une agitation fébrile: un producteur américain tourne un film sur le réchauffement climatique et Runa, resplendissante dans un sari turquoise, lui fait visiter le bateau, SON bateau. Nous nous faufilons par les coursives étroites et gagnons le carré où Salim me glisse à l'oreille - "fish for lunch"
Peu à peu, l'équipage arrive et nous déjeunons au calme, juste bercés par le ronronnement du Bengali qui se murmure aux tables voisines. Je continue à apprendre quelques mots, mais pourquoi rient-ils tandis que je m'applique à les prononcer ?
5 patients cet après-midi, Hughes monte 2 fois consulter pendant que je pique la rachi et qu'Isabelle fait les champs pour l'intervention suivante. Hughes a mis de la musique sur son iPhone... ambiance...



Il est 19h 45 quand nous terminons et la douche est la bienvenue. La douche ! même si elle est bienvenue, il faut se motiver pour la prendre. Dans 2 m2 sont concentrés le lavabo - bouché ! - les WC et la douche. C'est rationnel et rationné, on est sur un bateau, of course ! Motivons nous ! Un petit filet d'eau froide de la rivière invite le travailleur sale et fatigué à se laver, faire un shampoing et une petite lessive, au moins laver sous-tif et petite culotte... Je serre les dents, j'accélère le mouvement, je grelotte et je ressors cheveux dégoulinants dans le couloir où il fait très chaud pour regagner la cabine où il fait très froid, y a toujours de la p'neumonie en embuscade et mon slip, lavé avant-hier soir et étendu sur mon lit, n'est toujours pas sec !!!

Le dîner fait du bien, il requinque, dans cette mixture de langages et de cultures qui mélange en une même famille toutes les âmes de bonne volonté. Sur le pont où je viens de passer, petits et grands somnolent dans une nuit sans étoiles où s'infiltrent leurs rêves.








Mardi 1er octobre

Journée particulière, nous n'avons plus d'eau à bord depuis hier soir... Alors à 6 h ce matin, sous la pluie, mise en route des machines et départ pour Mongla, port à 6 km de notre point d'ancrage où un container va pouvoir s'amarrer et remplir nos réservoirs. Nous nous levons pour assister au spectacle, d'autant que le capitaine nous laisse monter sur le pont supérieur et même piloter son Rainbow. Quelle chance nous avons d'être là !





Au large de Mongla, il faut attendre le container et, après le petit déjeuner, nous nous occupons pour passer le temps. Un membre d'équipage réussit à me connecter à internet et même si l'ordi du bord rame, il a le mérite d'exister et c'est vraiment sympa qu'on nous laisse l'utiliser. Salim, le cuistot, déborde d'attentions délicates et me porte un nescafé et des bonbons, trop cool, Salim ! Hier soir je lui ai donné des jouets pour ses enfants et du parfum pour sa femme, Isabelle a rajouté des petites voitures pour son fils et son sourire traduisait ce que l'on peut peut-être appeler le bonheur.



Au bloc, au fond du bateau, il pleut aussi et c'est un problème important que nous signalons, car c'est un problème récurrent, et les murs vont moisir et le matériel s'abîmer. 
Vers 11h, tandis que les pleins sont en cours, on nous autorise à reprendre le travail car les 2 premiers patients sont à bord. Pendant que nous opérons, les pleins se terminent, le bateau vire de bord et repart vers son amarrage initial, nous ne nous rendons compte de rien et nous bossons jusqu'à 13 h. Pause repas, riz- poulet-légumes ( lesquels  ????)-nescafé, la grande classe !
Nous reprenons à 14h mais certains patients ne sont pas arrivés. Soit ils ont loupé la navette, soit ils ont changé d'avis. Les deux premiers sont des petits de 8 et 10 ans et nous faisons des ballons avec des gants que nous gonflons ; un marqueur, des yeux, un nez, une bouche, une touffe de cheveux en bataille et mon sens inné du dessin fait le reste, ils éclatent de rire, sans doute juste pour me faire plaisir et parce qu'ils sont gentils parce qu'objectivement ce que j'ai fait est carrément nul.
Notre aide opératoire au bloc s'appelle... ben en fait chais pas du tout comment y s'appelle parce que son nom est tellement compliqué kon l'appelle Bobby. Alors pourquoi Bobby ? eh ben paceke Bobby et personne ne pose de questions, merci. Bobby donc fait le maximum pour nous aider; il re-prépare la salle dès que le cleaner a passé la serpillière, il lave les instruments, stérilise les boîtes , tient les patients pour les rachis, bref, c'est super Bobby. Il parle mal Anglais mais baragouine suffisamment pour que nous nous comprenions. Le chirurgien, champion du monde de chirurgie plastique, que nous avons relayé, nous a dit qu'il était nul et ne comprenait pas grand chose. Rectificatif, Professeur, il n'est pas nul et comprend tout. 

Sur le bateau, il y a 2 médecins pour nous aider à l'organisation; ils parlent assez bien Anglais, assez en tout cas pour que nous puissions communiquer. En salle de réveil, les infirmières sont, comme sur la péniche, ravissantes . Pas possible, y a eu un casting !  Petites, menues, longs cheveux bruns attachés en chignons, souriantes et douces, leur seul défaut, à la différence de la péniche, est de ne pas parler Anglais. Tout est donc un peu compliqué mais elles en Bengali, nous en Français, rendez- vous au point d'orgue. Seule une est passée au travers des mailles du filet : petite, boulotte et un peu ronchon, elle soupire quand je lui demande de contrôler la saturation des enfants qui sortent du bloc et surtout quand il faut rouler la bouteille d'oxygène jusqu'au lit du dit enfant mais bon, elle le fait, alors..... Et puis j'ai l'impression qu'elle commence à se dérider au fil des jours parce qu'elle nous voit rire en rentrant et en sortant du bloc où nous travaillons en musique, Abba ce soir parce que Hughes aime bien.
  20 h, fin des hostilités; malgré le retard pris ce matin à cause du problème de l'eau, nous avons opéré 8 patients et c'est bien.

 Avant le dîner, je prends mon courage à 2 mains et même à 2 pieds et je file sous la douche. Ce soir c'est shampoing, 1 soir sur 2 parce que c'est un peu dur et je remets un slip et mon sous-tif propres mais qui sont toujours humides, incrédibole !!! Avec l'humidité et la température souvent polaire dans la chambre, rien ne sèche et, comme il pleut, impossible de faire sécher ma petite lessive dehors. Bouhhhhh, chuis trop malheureuse ! En tout cas, en pensant à ma grande douche à la maison avec eau chaude à volonté, je me dis que j'ai trop de chance et que l'injustice existe vraiment. Ma douche pourrait être un peu plus petite, la leur un plus grande, mon eau pourrait être un peu plus froide,la leur un peu plus chaude et on serait tous aussi propres. Ouaih bon, je sais, on n'est pas là pour sauver le monde, mais on est aussi un peu là pour réfléchir sur une meilleure humanité. J'dis des conneries ? Ok, alors arrêtez tout, arrêtez juste de lire et filez sous votre douche bien chaude.

Dernière visite avant la nuit. Dans les lits de salle de réveil, tout est calme. Sur le pont par contre, c'est une autre musique. Tous m'appellent et une femme en sari rouge me prend par le cou, m'amène d'un lit à l'autre et répète en mettant la main sur le ventre et en grimaçant : -" pain, pain." OK, allez, tournée générale d'acupan, j'ai du du stock. Chacun ouvre la bouche, déglutit la potion magique et me regarde en souriant; y en a même un qui me fait un clin d'œil ! Non mais les gars, vous vous foutez de moi ? vous avez vraiment mal ou juste besoin d'un câlin ? Ah ! les deux ? Ok, allez, une petite caresse sur vos joues rugueuses et barbues et dodo. La femme au sari rouge m'embrasse, me dit qu'elle est "my friend" et je les laisse à leur nuit.











Mercredi 2 octobre

Je m'endors en bouquinant, réveil à 4h alors qu'il fait très chaud dans la chambre. Ma côte en vrac m'empêche de me tourner facilement, anecdotique mais un peu handicapant.  
Réveil  6 h45 et petit déje avec Isabelle. Salim et son éternel sourire... Salim et son gros plat de riz à la sauce bengali, euh... ça a l'air super ton truc, mais p´tête pas à 7 h du mat, Salim et ses chapatis tous chauds.

Sur le pont, grand soleil, chaleur déjà étouffante et bonne humeur générale; tous ont bien dormi, les enfants ont le sourire et jouent, seuls 2 hommes semblent un peu algiques, j'envoie Hugues à la rescousse. Effectivement, l'un deux a un hématome qu'il faudra drainer dans la journée.
Au bloc, la porte est fermée à clé, Bobby n'est pas là, normal, il dort... à 8h15... et j'envoie une infirmière le réveiller. Il émerge, les cheveux en bataille, saute dans son pyjama de bloc et nous ouvre les portes. Isabelle et moi donnons le tempo, on n'a pas trop le temps de rêvasser. Allez, hop ! 1er patient en salle, hernie bilatérale sous rachi. Et puis j'endors un petit de 4 ans pour refaire un pansement de greffes de l'équipe d'avant. Rana, un médecin du bateau, nous aide, car c'est lui qui suivra l'enfant après notre départ. Vite, vite, un petit Nescafé le temps du ménage et on enchaîne. Je monte sur le pont pour appeler les patients suivants; grosse rigolade, personne ne comprend rien. Une infirmière vient à ma rescousse. Les patients arrivent de la côte avec un petit bateau qui fait la navette. Coût du passage : 10 centimes de takka, non pris en charge par Friendship, mais ensuite, tout est gratuit pour les patients que nous opérons.
Isabelle me rejoint, nous allons boire un verre d'eau; j'ai eu d'énormes crampes aux jambes cette nuit et je pense que nous devons nous forcer à boire davantage dans la journée. Le capitaine, son second, un mécanicien et Salim sont là et nous avons les félicitations du jury. Les patients sont très contents de nous parce que nous sommes gentils, nous les faisons rire, nous donnons des jouets aux enfants et... accessoirement... nous travaillons bien. Allez, super  ! On va monter sur le podium ! Et c'est heureuses et fières de ces compliments que nous repartons au bloc pour une dernière intervention avant le break repas. 



Pour ce break, Salim nous porte du poisson, pêché là, autour du bateau. A la mode bengali, il baigne dans l'huile, mais sa chair est délicieuse et nous nous régalons; 1 bouchée, 12 arêtes, euh... t'aurais pas pu nous lever les filets ??? Debout à côté de nous, Salim sourit à pleines dents, content de nous avoir fait plaisir. Dehors, le vent  s'est mis à souffler et la pluie fouette de nouveau. Serrés les uns contre les autres, sous l'abri incertain des bâches qui ruissellent, les patients hommes et femmes, jeunes ou vieux, attendent qu'on les appelle pour les consultations que font les médecins locaux. Les enfants se blottissent dans les bras des mamans; je sors 5 minutes, je rentre trempée. Retour au bloc. Tout s'enchaîne dans la bonne humeur, c'est vraiment un plaisir de travailler avec Isabelle et Hugues. A 17h nous apprenons que le dernier patient a changé d'avis et quitté le navire. Il nous reste une courte intervention et Hugues propose, avant la nuit qui tombe à 18h, d'aller faire un tour à terre avec Rana.
Fin du bloc, nous quittons nos habits de lumière et c'est dans une vieille barcasse en bois qui prend l'eau que nous voguons maintenant au son du teuf-teuf assourdissant d'un moteur fatigué et poussif. En nous éloignant un peu, nous le découvrons enfin ce bateau où nous avons embarqué de nuit, fier trois mâts inscrit dans l'histoire, somptueux. La pluie s'est de nouveau arrêtée et la lumière s'estompe dans un halo blafard qui glisse paresseusement vers la nuit. Nous savourons ce spectacle rare au gré du clapotis du courant qui nous approche du ponton en bambou,  embarcadère bien incertain à l'allure fragile qui porte chaque jour le poids de la misère. Il règne ici, tandis que la nuit envahit l'atmosphère, une ambiance étonnante où les cris se mêlent aux rires, aux klaxons et au son du muezzin surgi de nulle part, magique ! Nous marchons un moment pour nous dégourdir les jambes et cette promenade nous fait du bien. Même barcasse, même teuf- teuf, retour chez nous. 





Ce soir, avant de nous coucher, nous faisons ensemble la visite. Une dame opérée d'une petite hernie de la ligne blanche grimace en montrant son ventre. Je lui mets un collier autour du cou, un bracelet autour du poignet et la douleur s'envole dans la senteur du parfum que je lui offre. Dans le lit d'à côté, Raju, 4 ans, joue avec les petites voitures qu'Isabelle vient de sortir de sa poche, riant devant ce petit bonhomme en Légo qui hoche la tête pour consoler ce petit opéré du bout du monde.



Jeudi 3 octobre

Fabuleux petit déje où Salim me presse une orange avec ses petites mains et je savoure ce nectar au goût de tendresse. Adorable Salim qui vient de m'apporter des saucisses frites dans 12 litres d'huile ! Tu vois, ces saucisses certainement délicieuses,  je vais les laisser à Hugues, eh oui , chuis comme ça moi, j'partage avec les copains, quoique... Le jus d'orange, j'ai partagé avec personne...

Sur le pont, même bonne humeur générale  ! Ils sont tous assis dans leur lit et souriants, piochant à pleines mains dans leurs assiettes de riz. La plupart d'entre eux vont reprendre la navette ce matin et rentrer à la maison. Ils serrent nos mains pour nous remercier et leurs yeux envoient ces éclairs de chaleur et d'amour que seuls connaissent les humanitaires.
 Tamin, 9 ans, est arrivé hier soir et a dormi sur le bateau. Petit soldat courageux, il monte au combat sans pleurer, mais le visage grave. Il ne bronche pas pour poser son cathéter et ne réalise même pas que je pique la rachi après une injection d'hypnovel. C'est sa maman qu'il faut rassurer, assise, inquiète devant la porte du bloc. Sa hernie est vite opérée et il se retrouve dans son lit, entouré de ses parents attentifs et aimants.
Mizan a 8 ans et aussi une hernie à opérer, mais il est tombé hier soir et a le coude douloureux et enflé. Nous l'envoyons à la radio et continuons le programme avec un vieux monsieur sans âge à la longue barbe blanche. Problème; une fois les champs installés, on met la barbe dessus ou dessous ? allez, va pour dessous, ça sera plus clean. 
Mizan revient, pas de fracture, pas de luxation, alors on y va pour la hernie.



Pause nescafé-verre d'eau. Rana prend son petit déje assiette de riz en sauce, ça n'est pas un lève tôt. Il nous dit qu'il y a eu hier, sur le bateau, 150 consultations, tous médecins confondus. Il nous raconte aussi qu'il est marié et que sa femme est architecte à Dakha où elle gagne bien sa vie parce qu'il y a aussi des gens riches à Dakha qui font appel à des architectes d'intérieur.  Ici comme ailleurs, le pire côtoie le meilleur. Lui même fait des vacations de 3 mois sur le Rainbow et rentre 15 jours à la maison. Il nous montre des photos de son mariage; son épouse est vraiment ravissante et lui est plutôt beau mec, un très joli couple.
Fin du programme du matin en musique, Vivaldi apaise et les patients restent très calmes, yeux fermés, confiants. 

Pendant le repas, Rana nous demande de vérifier nos billets d'avion pour le retour et - oh surprise ! - il s'aperçoit que le vol intérieur Jessore-Dakha est prévu dimanche 6 octobre alors que notre vol Dakha-Dubai-Paris est pour la nuit du 5 au  6 octobre. Je nous vois bien tous les 3, bloqués 24h à Jessore et sans vol Emirates pour rentrer ! Et je vois bien aussi le sketch  -"allo la clinique  ?Tout va bien, ouaih, ouaih... les vacances se passent bien mais, euh... comment dire ? y a un problème, chuis à Jessore... Répète, t'es où ???" Bon heureusement, super Rana veille, et il réussit par téléphone à changer nos billets,  ouf !
C'est Brahms qui accompagne notre programme de l'après-midi dans une organisation sans faille. Les patients qui arrivent par la navette attendent sur le pont; une infirmière les appelle et ils descendent au bloc. En salle de réveil on les fait déshabiller et ils mettent une chemise de bloc bleue; puis l'infirmière pose un cathéter. Au moment de passer au bloc, on demande aux hommes d'enlever leur longi, large tissu noué à la taille et qui leur sert de pantalon; par pudeur, nous le leur remettons avant de les ramener au réveil. Et dans notre bloc, à fond de cale, nous ne savons même pas si là-haut le soleil a gagné sur la pluie.
Notre dernier patient n'est pas venu, nous finissons plus tôt et en profitons pour nous reposer. Je regarde un film sur mon iPad et chacun de nous se connecte à internet qui fonctionne ce soir, c'est sympa.

Pour la 10ème fois de la journée, le capitaine, désolé, vient s'excuser car la pompe des wc est cassée; rien de bien dramatique, ça devient juste un peu rustique avec un système de seau qui m'handicape un peu, car le seau est assez lourd et ma côte cassée me fait vraiment mal. Mais bon, rien de grave, je devrais survivre à l'épreuve.
Dîner au calme, petits bisous aux patients qui semblent nous attendre sur le pont. Les enfants jouent avec les ballons bleus que nous leur avons fabriqués avec des gants;  les mamans veillent et sourient, rassurées. Le temps est calme, la chaleur supportable, la nuit étoilée, nous allons nous coucher.








Vendredi 4 octobre

Mauvaise nuit, il fait très chaud dans la cabine, la clim ne marche pas et j'ai beaucoup de mal à me tourner à cause de cette p... de côte cassée. Isabelle et moi nous levons à 6h car nous voulons faire des photos au lever du soleil, mais le temps est un peu couvert. Assise sur le pont, tout en haut du bateau, j'apprécie ce moment de calme, bercée par le ronronnement des moteurs des petites barques de pêche que le courant entraîne, tandis que le soleil perce avec difficultés les nuages qui virent au rose. Là-bas, à quelques encablures, un gros bateau s'est échoué dans la vase de la marée basse mais il repartira dans quelques heures, de nouveau à flot. 



J´essaye de ne pas trop penser à demain, demain où un long voyage va nous ramener vers la rive d'un quotidien où je vais avoir, une fois encore, du mal à atterrir. 
Le soleil finit par se lever et la chaleur monte au rythme des rayons qui inondent le bateau.  Sur le pont, il fait déjà très chaud et nous faisons marcher les enfants que nous avons opérés hier de hernies. Sœur sourire, l'infirmière hors casting , est de garde ce matin et de mauvais poil;  elle n'est pas du tout pressée d'enlever les cathéters des enfants qui vont reprendre le bateau pour rentrer à la maison. Allez Louloute,  on se motive, au boulot. 
Amalesh, que nous avons opéré il y a 48 h d'une grosse hydrocèle, a un volumineux œdème local qu'il faut drainer. Nous le descendons au bloc pour mettre une lame, il devrait être soulagé. Bobby, lui, est à fond, heureux des responsabilités que nous lui donnons. Ce matin il me prépare la rachi,  installe le vieil homme que nous allons opérer et lui explique les consignes pour la bonne position - bientôt, peut- être, il piquera la rachi tout seul - le tout avec un sourire rayonnant. Faudrait que  ma copine s'en inspire, ça serait plus sympa pour les patients. C'est au rythme d'un concerto de Bach que nous lançons le programme et que notre vieil homme au  visage anguleux se décompose et fait un énorme malaise vagal. Il a le teint tellement cireux qu'un court instant j'entrevois un cadavre et que c'est moi qui me décompose.  Oxygène et atropine aidant, lui et moi reprenons des couleurs, Bach joue toujours, Hughes opère, Isabelle aide et Bobby sourit,  imperturbable. Salle de réveil, oxygène,  perfusion et surveillance rapprochée, Sœur sourire fait toujours la gueule. C'est Mozart qui accompagne la fin du programme du matin. Réchauffé, perfusé, oxygéné, veillé par son fils, le vieil homme a repris figure humaine, moi aussi sans doute.
Rana m'appelle pour endormir une jeune fille de 20 ans à qui il tente de faire un pansement de brûlure; elle hurle et c'est juste insupportable, inacceptable. Il me dit qu'elle est hystérique, euh... t'es sûr ? Moi j'te dis qu'elle a très mal. Sous Kétamine, l'hystérique s'endort, le calme revient, Rana fait tranquillement son pansement. Je rejoins les autres pour déjeuner tandis que la pluie s'est violemment remise à tomber, balayant le pont où les patients tentent de s'abriter.

Retour au bloc pour constater la métamorphose du vieil homme. Ragaillardi, souriant, tonique, il mange une banane et des gâteaux, assis dans son lit, trônant comme le patriarche qu'il doit être. Il m'appelle pour me serrer longuement la main; demain il aura regagné sa maison.
Tous les patients de l'après- midi sont là, no souci. Entre deux, je monte dire au revoir à ceux qui s'en vont. Ils embarquent dans la coquille de bois qui va les ramener à terre et je ne sais pas si c'est plutôt triste ou plutôt gai de les quitter, un peu des deux sans doute. Une fois encore,  ces visages, ces sourires auront traversé ma vie et j'essaye de les engranger tous dans un petit coin de mon cœur. Le courant est très fort et la barque s'éloigne rapidement emportant vers leur destin toutes ces mains qui s'agitent. Fin du programme, j'ai mis un concerto de Mendelssohn.
La douche est la bienvenue même si, ce soir, elle est bouchée. En revanche, la pompe des WC est réparée, donc c'est youkoulélé.

Distribution des cadeaux restants, j'ai épuisé les peluches , les parfums, mais il reste quelques stylos, quelques colliers et des petites voitures pour les enfants. Je donne aux infirmières de salle de réveil tout mon stock d'échantillons de crème de soins et elles semblent ravies, car elles sont très coquettes et Sœur sourire se déride enfin, mais oui, il était temps. Nous gâtons aussi Bobby avec du thé, du café, des stylos.

Avant le dîner, Isabelle et moi appelons Salim dans notre chambre pour lui donner un petit billet, juste pour le remercier de son exceptionnelle gentillesse et de toutes ses délicates attentions. Et pour notre dernier soir il a préparé, parce qu'il sait que j'adore, des œufs au lait et ça, c'est vraiment la fête.

Et voilà, dernier soir sur le bateau, j'ai le blues comme à chaque fin de mission. Isabelle et moi nous attardons sur le pont pour dire bonsoir aux patients. Nous passons de l'un à l'autre car chacun est unique, chacun est important. Nous serrons les mains, caressons des joues rugueuses, échangeons des sourires et des éclats de rire, notre façon à nous de leur dire que nous les aimons. Demain, avant de quitter le bateau, nous prendrons le temps de leur dire au revoir, c'est important. Amalesh qui souffrait temps ce matin, a le sourire ce soir et répète ok, ok. 
Chacun s'enroule dans sa couverture et s'installe pour la nuit, nous quittons le pont.





Samedi 5 octobre

Et voilà, fin de mission, jour de départ, c'est toujours un peu triste. Grasse mat ratée, je me réveille à 5 h45 et je m'offre un petit tour en solitaire sur le bateau qui se réveille. Les patients s'étirent, plutôt pressés de ne pas se lever, le capitaine, en tête de proue, surveille l'horizon immobile, les marins se débarbouillent, font leur lessive; j'engrange les images et je descends déjeuner et... Salim me fait... un jus d'orange pressé !!! j'y crois pas ! ben si, j'le crois puisque j´le bois toute seule, en cachette et je file à la cuisine lui dire merci et lui faire un bisou.



Pas de programme ce matin, juste un pansement vite fait sous anesthésie. Alors, on traîne, on discute avec les uns et les autres, et le capitaine est fier de nous parler de son bateau, 35 personnes à bord, 50 mètres de long, propulsé par 2 gros moteurs de 600 chevaux. Est-ce qu'on veut savoir autre chose, ben... oui... euh... l'âge du capitaine par exemple... allez, j'rigole !
Salim nous sert le repas vers midi, mais je n'ai pas faim du tout et je grignote quelques grains de riz, juste pour lui faire plaisir. D'ailleurs j'ai un peu mal au ventre et ça, c'est sûr, c'est la tête, alouette!! Interdiction de porter nos sacs, le mien, pourtant, ne pèse rien. J'ai mis le plus petit dans le plus grand et comme je n'ai rien à rapporter, le rangement est vite fait. Salim prend mon sac, un marin la valise d'Isabelle et nous voilà propulsés sur le pont dans une indescriptible cohue où se mêlent, dans le désordre, équipage et patients. Derniers adieux , dernières photos, derniers bisous, nous montons, sous le soleil, dans la petite embarcation  qui va nous ramener à terre. Nous recomptons les sacs, ok, Rana et Salim montent avec nous. Sur la rive boueuse, c'est aussi le capharnaüm, cris et bousculade autour de ces étrangers qui font fonction de bêtes curieuses. Chargement du minibus et cette fois, vraiment, faut se quitter, notre long voyage a bien commencé.





3 heures de voiture, la pluie s'est mise à tomber, la voiture roule doucement sur une route partiellement pourrie où les ornières se creusent au rythme des hallebardes qui tombent. Rana a donné des consignes de prudence au chauffeur avant notre départ, il connaît les loustics; j'ai de nouveau mis mon ange gardien sur le coup, c'est son boulot, non ?



Aéroport de Jessore, presque 3 heures d'attente, on s'offre un nescafé au lait très sucré - de toute façon on n'a pas le choix - qui me donne envie de vomir, mais...pour 20 centimes... Embarquement, vol sans problème, l'avion de l'aller a été réparé ! Atterrissage à Dakha où nous retrouvons notre copain de Friendship qui nous aide à repasser en zone internationale. Enregistrement rapide sur Emirates, retard au décollage d'une petite vingtaine de minutes mais comme nous avons 4 heures d'attente à Dubai...
Isabelle et Hughes découvrent le duty free gigantesque et clinquant de Dubai aussi mouvementé le jour que la nuit. Notre avion pour Paris décolle à 4h30.



Dimanche 6 octobre

Retour maison, nos routes se séparent  comme elles se sont croisées, merci à Isabelle et Hugues pour cette belle mission et merci à Humaniterra pour la confiance qui nous est faite dans la prise en charge de ces patients du bout du monde.
Pour moi le retour a toujours un goût de trop court, un goût de trop peu, un goût d'inachevé, mais il restera toujours là-bas ou ailleurs des patients à soigner, des patients à aimer...












lundi 24 juin 2013

Mongolie, juin 2013


Samedi 15 juin 2013

Nouvelle mission Opération Sourire pour Médecins du Monde et première mission à Khovd, petite ville tout au nord-ouest de la Mongolie, à la frontière du Kazakhstan,  posée au pied de l'Altaï, dans un décor lunaire, et survolée par les aigles. J'y ai fait une mission explo il y a un an et cette fois nous lançons la mission. 
Lever à 4h30, avion qui décolle à l'heure et atterrit à 8h Roissy où la grève des aiguilleurs du ciel vient de se terminer; on aurait pu ne pas partir. Joies des retrouvailles avec Delphine, chirurgien des brûlés à Lyon, mon amie de cœur, ma complice au bloc, qu'accompagnent   Romain, lui aussi chirurgien à Lyon, Chloé, kiné et Nadia, infirmière. Vol vers Moscou sur Aeroflot, délicieux repas végétarien - chicken or beef ? - je commence le régime. François, le 3ème chirurgien, nous rejoint à Moscou en provenance de Bruxelles, et notre équipe embarque vers Ulaan Baator. Même repas qu'à midi - chicken or beef ? - on ne change pas une équipe qui gagne, je continue le régime.


Dimanche 16 juin

Atterrissage à Ulaan Baator, 6h heure locale, minuit en France. Contrairement aux autres fois, nous récupérons très vite les bagages et oh ! miracle ! je passe la douane sans être fouillée et mon sac n'est donc exceptionnellement pas confisqué. Battorgil, le directeur de l'hôpital, nous attend avec Irlan, jeune chirurgien kazakh, originaire de Khovd, qui part avec nous demain. Saran, notre fidèle interprète, nous rejoint. Elle a fait, en amont, un boulot de cinglée pour faire signer 3 tonnes de papiers à Battorgil qui a toujours le temps de faire demain ce qu'il est urgent de faire aujourd'hui, obtenir la licence pour notre matériel et nos médicaments auprès du Ministère de la Santé, et faire dédouaner tout le fret via le transitaire qui l'a réceptionné. MDM a payé les taxes de douane - combien ? secret défense, nous ne le saurons pas - mais Delphine et moi savons très bien que, sans Saran sur place, son investissement et son énergie, cette mission ne serait pas.  

On entasse donc l'équipe et tous ses bagages dans deux voitures, direction le Platinum Hotel, tout neuf, proche du centre-ville. C'est neuf mais ça reste mongol, ça sent mauvais dès qu'on entre dans le hall, la moquette et la décoration kitsch relèvent vraiment du bon goût mongol. Bon, on s'en fout, on est bien installé dans trois chambres doubles; je partage la mienne avec Delphine. Salle de bain rutilante, mais où les robinets fuient, normal, c'est mongol. La douche chaude faite du bien après ce long voyage, mais est-ce normal que l'eau s'infiltre sous le bac de douche et que la salle de bain soit déjà inondée?  Et nous nous couchons avec rendez-vous à midi dans le hall de l'hôtel pour le repas. En fait, Delphine et moi restons au lit et zappons le repas; nous dormons jusqu'à 14h et retrouvons les autres qui ont mangé un délicieux hamburger mongol. Départ à l'hôpital où tout le fret a été livré. Il fait très beau, très chaud et ça fait du bien. L'hôpital a de nouveau déménagé car le service dédié aux brûlés à l'hôpital de traumato était trop petit avec beaucoup de patients couchés sur des matelas par terre dans le couloir.  Cette fois les brûlés ont élu résidence dans un ancien hôtel, partiellement réhabilité. Ça n'est ni très grand ni très fonctionnel, mais c'est très propre et organisé au mieux. Ceci étant, à  15 000 euros par mois de location, le gouvernement commence à faire la gueule et il est déjà question de réintégrer les brûlés à l'hôpital de traumato dans le bordel qu'ils viennent de quitter.


Notre priorité, dans l'immédiat, est de faire le tri dans le fret entre ce que nous emportons à Khovd et ce que nous laissons à U.B., sachant que c'est un peu difficile car nous ne savons pas du tout ce que nous allons opérer là-bas. C'est donc une répartition  approximative que nous faisons, d'autant que le poids est limité pour l'avion de Khovd et que je suis sûre que nous avons déjà dépassé le poids autorisé, en comptant nos affaires persos qui contiennent aussi du matériel pour la mission. Battorgil est content, nous lui laissons des trésors en médicaments, matériel d'anesthésie et matériel chirurgical. 

Saran a prévu de nous emmener à 18h voir un spectacle mongol dans un tout petit théâtre très confidentiel. Le ciel s'est couvert, le tonnerre gronde et c'est sous des trombes d'eau que nous reprenons les voitures. Le spectacle est sympa, défilés de mannequins en costumes traditionnels mongols anciens,  danses, musique et  chants mongols qui nous permettent de passer un très agréable moment.
Fin de la soirée à La Route de la Soie, un restaurant que nous aimons bien pour ses délicieuses spécialités italiennes. Khisghee, notre amie chirurgien des brûlés, nous rejoint et c'est vraiment un bonheur de la retrouver. Elle est actuellement en congé de maternité avec un bébé de 4 mois et ne semble pas du tout pressée de reprendre son travail ; elle nous annonce que le nouveau directeur de l'hôpital de traumato vient de lui proposer le poste de chef de service des brûlés, en remplacement de Battorgil qui brille par sa nonchalance et son incompétence, alors que nous l'avons connu, il y a des années, excellent chirurgien!  Dans l'immédiat elle hésite et Battorgil n'est pas au courant...

Retour à l'hôtel, il pleut toujours et certaines routes sont devenues des rivières. L'avion de Khovd est à 13h, rendez-vous est fixé à 11h dans le hall de l'hôtel. 



Lundi 17 juin

Bonne nuit, longue nuit. Le réveil de Delphine sonne à 9h, mais les paupières sont encore lourdes et les motivations pour sauter du lit un peu minces. Nous traînons encore un peu. Le petit déjeuner ne correspond pas, bien sûr, à ce que nous avons coché hier soir sur la commande, mais qu'importe... On a du thé, 2 petites tartines grillées froides accompagnées de feuilles de salade et de tomates, juste pour l'esthétique, peut-être, et un petit bol de yaourt mongol typique, mais très bon. Il est temps de ranger la chambre et nous nous retrouvons avec Saran et une 2ème interprète que nous ne connaissons pas, prénommée Nassa, je crois, ou un truc assez ressemblant. Bon, on va faire simple, je vais l'appeler Nassa. Tout le monde est là, on charge le bus pour entasser tous les bagages et on commence à regarder l'heure tourner compte tenu de l'intensité des gigantesques embouteillages qui risquent juste de nous faire rater l'avion. Le chauffeur s'impatiente, téléphone, klaxonne et téléphone encore, nous roulons au pas. Seuls les derniers kilomètres nous permettent de rouler à vitesse normale et nous enregistrons les derniers nos 3 tonnes de bagages et les 80 kilos de fret que Battorgil a apportés à l'aéroport. À raison de 10 kg en soute autorisés par personne et de 5kg en cabine, nous dépassons plus que largement le minimum syndical requis, nous le dépassons en fait de 60 kg pour la soute et de rien pour les bagages cabine car trois d'entre nous omettons de les faire peser. Irlan et les interprètes négocient; de 60 kg de dépassement, on passe à 40 et on paye en liquide 135 000 tougriks, soit 75 euros ce qui est vraiment cadeau. 
15 h: embarquement immédiat pour un vol de 3 heures dans un petit avion à hélices. Je ne vous raconte pas le  pique-nique  servi à bord pour ne pas vous faire envie et vous donner l'idée de vacances à Khovd. Atterrissage prévu à 16h, soit 15h, heure locale.   







Atterrissage à Khovd à 16h, 15h heure locale. 1500 m d'altitude, entourée de sommets  enneigés qui culminent à 4600 m. Le directeur de l'hôpital nous attend avec l'un des chirurgiens et une ambulance où nous entassons notre joyeux bordel. Arrêt à l'hôtel, un peu spartiate, certes, mais beaucoup moins glauque que celui où nous étions il y a un an avec Didier pour la mission explo.  Delphine et moi partageons la chambre 313 qui est impossible à ouvrir. Il faut tourner la clé 2 fois à droite, 3 fois à gauche en se déboulonnant le poignet, tirer, pousser, donner des coups de pieds en bas et au milieu de la porte et finalement échouer et appeler la fille de l'accueil, en l'interrompant dans son canevas, un ravissant paysage avec yourte et chameau. Elle-même renouvelle les tirages, les poussages et les coups de pieds dans la porte et réussit, youpi !!! 
L'hôpital est à 5 mn à pied de l'hôtel, ce  qui est bien pratique car nous sommes autonomes, non tributaires d'une voiture.



Je retrouve cet hôpital, bâtiment de 2 étages, accueillant et qui vient d'être repeint. Petit briefing dans le bureau du directeur, speech d'accueil habituel et consultations. Comme d'hab, des enfants, comme d'hab, des séquelles de brûlures et comme d'hab, ça ne va pas être facile de bosser. Nous faisons le programme pour la semaine, à ajuster suivant les consultations des jours à venir. Un jeune anesthésiste mongol va travailler avec moi et il a l'air très sympa. Je commence à ranger le bloc, les autres sont partis se promener. Nous allons bosser dans une grande salle avec 2 tables et 2 respirateurs dont je tenterai demain de comprendre le fonctionnement. Il y a beaucoup de petits à endormir et je ne dois avoir aucun accident. 



Retour à l'hôtel où je visite notre chambre, assez grande, deux lits un peu durs, mais ok, et salle de bain superbe ! Un petit filet d'eau glacé coule au lavabo, mais il paraît que nous aurons de l'eau chaude ce soir, le tirage de la chasse d'eau inonde toute la salle de bain et, comme sur la péniche au Bangladesh, la douche est un pommeau fixé au-dessus des WC et qui inonde la pièce. Allez, c'est cool, vive les vacances à Khovd ! On a un toit, l'eau courante et l'électricité, elle est pas belle la vie ? Reste à trouver THE restaurant qui propose autre chose que du mouton. Les interprètes en ont un sous le coude qu'elles ne connaissent pas, mais le cousin de l'ami de l'oncle du beau-frère du directeur de l'hôpital leur a dit qu'il était bien, alors... s'il l'a dit... allons y. Les rues de Khovd sont des pistes poussiéreuses qui nous conduisent chez Bocuse, 5 étoiles au Michelin, attention l'addition! Alors on commence par les salades, celle-ci barko - en Mongol, il n'y en n'a plus, celle-là barko et la troisième barko aussi. Alors on va faire simple, qu'est-ce qui n'est pas barko ? Finalement, avec l'aide d'une interprète, j'arrive à avoir des choux et des carottes râpées avec quelques flocons de jaune d'œuf et un peu de gruyère local râpé. Delphine, Chloé et Nadia me suivent dans ce choix gastronomique, les garçons et les interprètes dévorent une énorme assiette de viande non identifiable, mais dont ils se régalent. Repas + bière, addition 3,5 euros par personne, on reviendra !!!!
Retour à l'hôtel où nous nous retrouvons tous dans notre chambre pour que Delphine sorte sa botte secrète : du chocolat Toblerone, noir, blanc, au lait et le dernier né aux amandes grillées avec une pointe de sel, le bonheur. 
Il est presque minuit quand nous nous séparons. Chacun retourne vers sa douche à l'eau froide qui finalement sera tiède, sa petite lessive à l'eau glacée et sa couette brodée d'or et d'argent dans le plus pur style mongol.
Demain je vais tenter de déjeuner vers 7 h, un vrai challenge !!! et partir seule tôt à l'hôpital pour organiser le bloc, me familiariser avec les respirateurs et essayer de lancer le programme pas trop tard. Delphine et les autres ne viendront que vers 8h30 et nous ferons au mieux, comme nous l'avons toujours fait.  




Mardi 18 juin

Nuit moyenne, réveil à 6h45 et à 7h, bien sûr, rien n'est prêt pour le petit déjeuner. La porte du restaurant est fermée à clé et tout le monde dort. Je réveille, sans douceur, la nénette au canevas et je commence à gueuler, mais elle ne comprend rien, bien sûr. Les cheveux en bataille, l'œil glauque, elle me regarde totalement ébahie et je pense qu'elle se demande qui est cette cinglée qui vient de la sortir de son rêve. Heureusement Nassa, notre 2ème interprète, descend fumer sa  clope et en remet une couche en Mongol. Finalement on trouve la clé du restaurant et je passe derrière le bar pour prendre des verres, du jus qui n'a de multivitaminé que le nom, des tasses et du thé. Entretemps, complètement tétanisée, ma brodeuse a fait bouillir l'eau et je l'accompagne dans la cuisine pour qu'elle me sorte du frigidaire de la margarine, du pain de mie rassis et une gelée violette qui fait fonction de confiture. La cuisine est immonde; la vaisselle sale du restaurant d'hier soir est empilée en équilibre instable, tout est gras, puant, répugnant et des restes de viande font la grasse mat au fond d'une bassine en plastique. J'ingurgite en 5 minutes ce délicieux petit déje et je pars à l'hôpital.

Au pays du mouton.


 À 7h30, l'hôpital est calme et se réveille doucement, mais l'anesthésiste arrive peu après et nous installons le bloc, rajoutons une deuxième table d'opération et préparons l'arrivée des enfants. C'est à ce moment que je réalise qu'en fait les respirateurs ne respirent pas du tout.Comme à nos débuts à Ulaan Baator, il faut ventiler à la main à l'aide d'un ballon ce qui bloque une personne toute la durée de l'intervention. Et aujourd'hui nous allons opérer pendant 12 heures... C'est donc avec bonheur que je vois débarquer 2 infirmières anesth, modèle XXL, qui vont ballonner à ma place car j'ai vraiment trop de travail et de responsabilité avec tous ces petits à faire dormir. 





La journée se passe donc au rythme de j'endors et je réveille des petits brûlés aux lourdes séquelles. En milieu de journée, nous opérons une jeune fille tombée dans le feu la face en avant et que j'avais vue avec Didier il y a un an. Son visage, son cou, son thorax, sont, comme au Pakistan chez les femmes vitriolées, bloqués par une épaisse cicatrice rétractile. Elle entrouvre à peine la bouche et n'a aucune extension de la tête. Mais je l'intube sans stress et sans difficultés avec ma machine magique prénommée Glidescope. Trois heures de ballonnage plus tard, je la réveille. Delphine a réséqué la bride du cou et l'a remplacée par une greffe de peau qu'elle a prise sur le ventre; elle a fait aussi quelques plasties en z sur le visage pour lui redonner un peu de mobilité. Dans l'immédiat il y a des pansements partout.



En face du bloc, j'installe une petite salle de réveil avec un lit et un extracteur d'oxygène ce qui me permet d'avoir un œil sur chaque petit que je viens d'extuber et qui n'est pas encore parfaitement réveillé. C'est la maman qui surveille et je fais, moi, la navette entre cette petite pièce de réveil et le bloc en anticipant sur l'analgésie que j'essaye de gérer au mieux car le post opératoire immédiat de ces interventions est extrêmement douloureux. Nadia et Chloé prennent ensuite le relais pour l'hospitalisation dans une grande chambre où elles surveillent les pansements, donnent les calmants suivant un protocole que nous ajustons à chacun et distribuent les peluches que j'ai apportées.  Le challenge est d'arriver à calmer un enfant qui hurle au réveil d'une longue anesthésie et de le laisser endormi paisiblement dans les bras de sa maman, les bras serrés sur son nouveau doudou, bambarouche en Mongol. Nadia et Chloé font ce travail avec beaucoup de douceur, de gentillesse et de compétence et c'est juste du bonheur de travailler avec elles et de croiser leur sourire qui fait du bien.
Au bloc les interventions s'enchaînent;  je ne me suis pas arrêtée 5 minutes et je suis soulagée à 19h de réveiller mon dernier patient qui est, heureusement, un jeune adulte que je vais donc pouvoir laisser avec moins d'inquiétude. En fait à 19h, je me retrouve seule au bloc avec ce jeune de 17 ans, tout nu sur la table. Tout le monde s'est tiré et moi, je fais quoi ? Alors je crie, en Mongol, pour demander une couette pour le couvrir, un brancard pour le transférer et de l'aide pour le ramener dans sa chambre, rien, en fait, de bien extraordinaire. Saran m'attend dans le couloir et nous rentrons à l'hôtel.
Nouveau resto conseillé cette fois par le copain d'un copain d'une panseuse du bloc et qui est, paraît-il, le meilleur restaurant de Khovd. Ah ouaih ? mais je le connais, moi, ce super restaurant, j'y ai mangé avec Didier et il n'y a bien sûr que de la bouffe mongole! Allez, on refait, comme hier soir, le coup du chou et des carottes râpées et ça passe, pas le choix. Les autres mangent mongol et ça passe aussi. Pendant le dîner, la directrice de l'hôtel appelle nos interprètes car on est en pleine campagne présidentielle et l'une des candidates venant dormir à notre hôtel, elles doivent juste céder leur chambre qui aurait, paraît-il, une position stratégique pour la surveillance de la dite candidate par ses gardes du corps!!! Elles partent donc, au cours du repas, déménager leur chambre et on marche vraiment complètement sur la tête!!!
Retour à l'hôtel, resucrage au Toblerone et tentative de douche à l'eau glacée à laquelle je renonce. Nadia, perspicace, descend aux nouvelles et remonte triomphante annoncer que le chauffe eau sera mis en route à minuit. C'est donc à cette heure avancée de la nuit que Delphine file sous la douche. Moi, je bouquine un peu et je m'endors. 




Mercredi 19 juin

Réveil à 6h45; je laisse Delphine dormir et je retente le petit déje. Est-ce le briefing musclé de nos interprètes hier soir ou la présence de la candidate à la présidentielle, mais la porte du restaurant est ouverte et trois personnes s'agitent, installant des tasses et des verres. Elles veulent absolument que je boive un Nescafé car il est sur la table et je dois ouvrir un placard pour y trouver du thé, puis négocier le pain de mie rassis et la margarine. 
Départ à l'hôpital à 7h15 pour ouvrir le bloc; il commence à faire chaud. Cette fois, je suis désespérément seule pour tout préparer. Les IADE, des nouveaux, débarquent à 9h15, c'est le club med. Heureusement un infirmier du bloc arrive peu avant 8h et je lui demande de faire venir les deux premiers enfants. L'une a 9 mois, l'autre 14 mois; la plus jeune a les doigts enfouis dans un moignon de main et de vilaines cicatrices sur le visage après être tombée dans le feu, l'autre a des cicatrices rétractiles de la main droite qui a été ébouillantée. Tous  les deux hurlent et moi je fais quoi ? Alors, avec mon copain de galère, je m'organise. Kétamine dans les fesses pour tous les deux et le calme revient. Pendant qu'ils somnolent, je les sangle chacun sur une table pour éviter la chute et je pose les perfusions. Mais sans IADE je ne peux pas endormir car je ne peux pas ballonner les 2 respirateurs à la fois. Alors j'attends et les chirurgiens qui arrivent attendent aussi... Un moment plus tard, la petite dort, les chirurgiens opèrent et, sans crier gare, le respirateur se met à siffler et s'arrête pour panne d'oxygène. Ça ne semble inquiéter personne sauf moi, car la couleur bleu marine que prend l'enfant en quelques secondes n'est pas du meilleur goût. J'attrape un ambu, je ventile, elle se recolore et je demande si quelqu'un peut envisager de changer la bouteille d'oxygène car celle qui est à côté est vide aussi. Mais alors, si elle est vide, elle sert à quoi? À rien? Ah d'accord! Juste vous m'expliquez et je comprends, mais dans l'immédiat l'arrivée d'une bouteille pleine est plus qu'urgente. Je continue à ventiler à l'ambu, les chirurgiens continuent à opérer et ne s'aperçoivent de rien et un technicien débarque avec bouteille neuve, clé à molette et salopette dégueulasse. Eh mec! Tu sais qu'on est au bloc? Tu t'en fous? Ah bon, alors vas-y, fais ton taf et remets moi l'oxygène pour ma poupette qui ne demande rien certes, mais qui en a vraiment besoin.



La journée va se passer presqu'au même rythme qu'hier, mais il y a deux adultes brûlés au bras à qui je fais des anesthésies loco régionales. Nadia et Chloé, elles, continuent la prise en charge post op et viennent prendre les consignes pour les enfants trop algiques. Les 10 opérés d'hier vont bien et n'ont plus mal du tout, beau travail d'équipe. 
Le téléphone portable :  fléau de la France, fléau de la Mongolie, INFERNAL au bloc quand on travaille. Il sonne sans arrêt, pour tout, pour rien, pour n'importe quoi et j'en ai vraiment ras le bol. L'un des IADE téléphone d'une main et ventile de l'autre, l'autre arrête de ventiler et va à la fenêtre pour répondre. Et il s'étonne que j'aille le chercher pour le ramener à son ballon. -"Ya un problème? - Non, tu rigoles, garçon, ya juste que l'enfant ne respire plus et que ça me pose, à moi, un problème."



  Ce soir, nous sommes invités à dîner par l'équipe mongole dans une famille kazakhe. Départ à 19h30 de l'hôtel, petit tour en minibus poussif dans la campagne proche où les habitants de Khovd plantent leur yourte au bord de la rivière pour l'été, une sorte de résidence secondaire. Puis accueil sous la yourte d'une famille kazakhe car Khovd est tout au nord-ouest de la Mongolie, à 300 km de la Russie et à la frontière du Kazakhstan.
 C'est une famille musulmane pratiquante et il n'y a donc pas de vodka mais on nous sert un bol de thé au lait puis une grande tasse d'eau chaude, boisson classique dans la région. Bon faut aimer, ok, ça tombe bien, j'ai pas soif. Surtout, le plat traditionnel kazakh est de la viande de cheval grillée, servie dans un grand plat où chacun a le droit de piocher avec les mains, dès que le chef de famille a découpé les côtes avec ses mains bien grasses et son grand couteau. Alors c'est la curée: tout le monde semble se régaler, ok, ça tombe bien, j'ai pas faim et je me rabats sur un petit bol de riz collant et de délicieux abricots secs et nous passons un très agréable moment.






Jeudi 20 juin

Je ne me bats plus pour le petit déje et j'avale en 5' un bol de thé tiède et une tartine de pain rassis à la margarine.
Au bloc où, comme chaque matin à 7h15, je suis seule, j'installe, je prépare les perfs, je prépare les drogues. Arrivée de Saran à 7h45, c'est sympa, et d'un IADE. Quand Delphine et les garçons débarquent à 8h30, le 1er petit de 10 mois dort et je perfuse — non sans mal — la 2ème, grosse mémère de 18 mois, bien potelée et dont les veines sont enfouies dans la graisse. Je trouve une veine au pied et j'endors. Finalement, comme en France, rien n'étonne personne. Même au bout du bout du monde, sur une nouvelle mission difficile à mettre en place, les chirurgiens trouvent normal que les enfants dorment quand ils arrivent au bloc, sans réaliser le travail fait en amont pendant qu'ils ne sont même pas levés. Mais j'ai l'habitude, c'est pareil en France; ici j'aurais juste aimé que les garçons me disent merci...

On enchaîne, AG, rachi avec sédation chez les enfants à partir de 8-10 ans. Il faut lâcher des brides pour déplier un genou, brocher des doigts pour rouvrir une main, prélever de la peau pour la greffer, faire tourner des lambeaux; il faut tout donner à ces enfants et quelques jeunes adultes pour lever un peu de l'impotence fonctionnelle liée aux séquelles de ces brûlures graves. Dans le calme, je cours de l'un à l'autre pour tenter de tout surveiller, de vérifier les saturations, les réinjections, de penser aux antibiotiques, aux antalgiques per et post op. 
J'ai une rachi à piquer pour des brides de pied chez un enfant de 15 ans mais je suis aussi avec Delphine pour un gros pansement de brûlures aiguës sous anesthésie générale chez une jeune femme tombée dans l'huile bouillante et qui a très mal. C'est peut-être la dixième fois que Romain me réclame la rachi et c'est aussi la dixième fois que je lui explique, ce qu'il devrait comprendre, que je suis occupée et qu'en plus j'ai rendez-vous dans une heure chez l'esthéticienne... Bon, passe pour l'esthéticienne, je veux bien retarder mon rendez-vous, mais passe pas pour la brûlure à l'huile bouillante dont je dois m'occuper. Alors mon grand, tu te calmes, t'es pas tout seul et dès que j'ai fini avec Delphine, je me précipite vers toi. Et voilà, fin du pansement, j'amorce l'atterrissage avec l'IADE et je pique la rachi. Chacun son tour, vous êtes trois chirurgiens et j'aide chacun d'entre vous, mais vous me laissez le temps de bien gérer chaque enfant; nous n'avons, vous n'avez, je n'ai aucun droit à l'erreur.



Il est 14h30, je m'accorde vite fait un Nescafé classic, le plus dégueulasse du monde, celui 
que Nescafé réserve aux pays pauvres et donc aux humanitaires, celui qui fait des trous dans l'estomac, mais qu'on boit quand même quand le coup de pompe arrive. En pleine forme donc, après ce Nescafé es-spécial humanitaire, je retourne dans l'arène, comprenez le bĺoc, au milieu des cris, des téléphones portables, des boîtes d'instruments qui s'entrechoquent, des discussions chirurgicales sur les indications de lambeaux ou de greffes et du stress qui fait le quotidien d'une journée de 12h avec des chirurgiens et qui donne la migraine.
18h : les chirurgiens garçons viennent de terminer un lambeau de creux poplité, Delphine n'en n'a plus pour très longtemps avec les vilaines brides périnéales de cette petite fille de 2 ans tombée assise dans une bassine d'eau bouillante. Chloé et Nadia sont parties acheter quelques souvenirs locaux. Les chirurgiens partent à leur tour et je reste avec l'IADE pour réveiller ma petite princesse qui prend son temps pour ouvrir un œil. Je la garde un long moment au bloc pour être sûre que tout se passe bien et je l'installe dans sa chambre avec l'extracteur d'oxygène que l'IADE retirera avant de partir.
Je viens d'apprendre que le directeur de l'hôpital invite l'équipe au restau ce soir avec les chirurgiens mongols qui ont travaillé avec nous. Le minibus crachoteux , conduit par un chauffeur imbibé de vodka, nous prend à l'hôpital. Le trajet est douloureux; imprégé d'alcool, notre chauffeur n'a pas tous ses neurones connectés. Il cale, le véhicule tousse,  sursaute, tressaute, s'arrête et repart, tourne à droite au lieu de tourner à gauche, fait demi-tour au milieu de la piste poussiéreuse, certes peu passante, mais quand même, et nous dépose finalement devant un restaurant très chic où nous attendent, dans leur habit de lumière rutilant, le directeur de l'hôpital, nos  amis chirurgiens mongols, mon copain anesthésiste, la surveillante du bloc, la médecin physiothérapeute qui a travaillé avec nos deux petites copines et la comptable de l'hôpital. Mais surtout il y a aussi le Gouverneur de la province de Khovd qui veut nous remercier d'être venus aider la population et bla bla bla... et bla bla bla... Discours politique habituel que Saran traduit dans les grandes lignes. À notre tour de remercier et bla bla bla... et bla bla bla... Discours humanitaire habituel que Saran traduit dans les grandes lignes. On recommence avec le Député, de passage dans la région et copain du Gouverneur. Nouveau bla bla politique et je suis sûre que Saran ne traduit pas la moitié, vu la différence de longueur entre le discours mongol et la traduction française. Bon, on devrait survivre parce que finalement ton discours pépère, avec ton chapeau de cow-boy que tu n'as même pas pris la peine d'enlever, on le connaît déjà par cœur. 
Comme chaque soir de mission, la bière mongole coule à flots mais cette fois-ci c'est plus qu'à flots, c'est le Niagara; chacun a déjà bu 3 ou 4 bières d'1/2 litre et quand y en n'a plus y en a encore. Les Mongols servent et re-servent et ont une impressionnante descente, François et Romain suivent à la corde, Delphine et Chloé tiennent bien la route, serrées de près par les interprètes, Nadia et moi qui ne buvons pas étudions le tiercé dans l'ordre.
Le repas est délicieux car ils ont eu la délicatesse de proposer des légumes chauds et du riz à ceux qui ne veulent pas de viande; je ne sais pas ce que je mange, mais c'est excellent. Nous finissons par de succulents pruneaux importés de Russie et des dérivés de brugnons que je laisse fondre dans la bouche pour en savourer la douceur, le goût sucré et ce petit plus indéfinissable des mets dont on rêve et qui régalent. 
Un chanteur mongol vient agrémenter cette soirée hors du temps où plus rien ne compte que l'instant, ce bonheur d'être ensemble et ces souvenirs rares que chacun se fabrique et emmagasine.
Avant les adieux, chacun de nous reçoit un cadeau, une très jolie veste sans manche en laine de chameau qu'il fera bon mettre en hiver quand le froid reviendra. Bayershlä, bayerstaï, au revoir et merci, nous promettons de revenir, cet hiver sans doute si MDM suit pour la logistique.
Pour éviter le chauffeur du minibus et sa vodka, nous décidons de rentrer à pied; rien n'est très loin à Khovd. 
Il est minuit; à l'hôtel l'eau chaude vient d'être branchée et nous pouvons nous laver correctement, abstraction faite de l'inondation de la salle de bain et des wc. Bonne nuit, c'est bon de se sentir propre.



Vendredi 21 juin

Nuit un peu courte, nous avons discuté longtemps avec Delphine; il ne nous reste plus beaucoup de temps à passer ensemble. Le jour me réveille à 7h; je rassemble mon maigre baluchon et après un dernier petit déjeuner mémorable, je pars à l'hôpital. L'anesthésiste me rejoint rapidement et je lui confie tous les trésors qui restent du matériel d'anesthésie que j'ai apporté. Ses yeux s'écarquillent au rythme des cartons qui s'ouvrent et qui ne contiennent pourtant que le minimum indispensable à la bonne gestion d'une anesthésie. Des seringues aux sondes d'intubation, en passant par les cathéters, les tubulures de perfusion et le reste, le paracétamol, les antibiotiques injectables et  le Diprivan dont il n'a pas une goutte car inacessible à Khovd et trop cher, il ne sait plus où donner de la tête et part cacher ces trésors dans sa caverne d'Ali Baba.   
Delphine et les garçons font la visite et laissent leurs consignes aux chirurgiens mongols. Il n'y a qu'un gros pansement à refaire sous kétamine.
Les adieux sont toujours un peu douloureux mais nous sommes heureux de cette première mission dans ce petit hôpital et nous savons que nous reviendrons, car il y a ici beaucoup d'enfants qui ont besoin de nous et ne peuvent pas venir jusqu'à nous à Ulaan Baator.



À l'aéroport, surprise mongole, le vol a plus de 2 heures de retard. C'est tellement habituel que ça n'est même plus une surprise et nous prenons notre mal en patience. Le temps est de nouveau frais, il a plu ce matin. Chacun s'occupe à son rythme, je regarde les montagnes. L'avion à hélices finit par atterrir et dans la salle d'embarquement , je suis abordée par un militaire mongol sans âge parce que gros, libidineux et empestant la vodka. Il prend ma main qu'il serre fort et me fait traverser le tarmac jusqu'à l'avion, couple étrange auquel je me sens totalement extérieur, simple abus de pouvoir. Ça n'est pas moi qui marche si près de lui, ça n'est pas ma main qu'il serre et ne veut pas lâcher, mais c'est bien moi qui monte la passerelle et me précipite auprès de Delphine pour échapper à ce porc et à ses relents d'alcool. 
Vol de 3 h sans problème; quand nous récupérons nos bagages, il tente un nouveau rapprochement, mais je sors rapidement de l'aéroport où Battorgil nous attend avec un autre chirurgien de l'hôpital des brûlés. Il est plus de 22h quand nous nous installons dans une pizzeria mongole où je déguste une délicieuse pizza végétarienne.
Retour au même hôtel qu'à l'aller pour une douche et une très courte nuit. Il est 2h quand nous dormons, 4h quand nous nous levons, 5h quand nous arrivons à l'aéroport pour un décollage prévu à 7h15 vers Moscou.    



Samedi 22 juin

À l'aéroport où nous arrivons à 5h, les yeux un peu cernés, tout se passe bien, trop bien même pour un vol sur Aeroflot. Aucun Russe ne nous crie dessus pour aller vers l'enregistrement, suspect, une hôtesse souriante prend nos billets et distribue les cartes d'embarquement, de plus en plus suspect, et il nous reste 1h15 avant le vol, tout baigne! Mais ça ne va pas baigner longtemps; le vol prévu à 7h15 vient d'être retardé à 8h puis à 9h. L'équipage que nous avons vu monter dans l'avion, vient d'en débarquer et il est impossible d'avoir des explications, car personne ne parle Anglais dans ce bel aéroport. En montant un peu le ton, on réussit à  faire venir une hôtesse qui baragouine trois mots d'Anglais et on nous annonce que le vol ne décollera pas avant 14h au mieux, à cause d'une tempête - grand ciel bleu sur Ulaan Baator pourtant ce matin mais, bon, va pour la tempête - que donc on n'aura pas la correspondance pour Paris mais un vol Moscou-Paris à 20h30 ce qui, fuseaux horaires aidant, nous amène en France à 22h30 et nous oblige à dormir à Paris, en espérant qu'il y aura de la place à l'hôtel Ibis de Roissy. Restent à régler pour demain les correspondances train pour les Lyonnais et Air France pour moi. 
L'attente de 10h à l'aéroport d'Ulan Baator est longue et fatigante et c'est finalement à 15h30 que nous décollons vers Moscou.  À bord on nous refait le coup du délicieux repas, chicken or beef ? et y aurait pas une salade composée pour moi? Mais bon, tant pis, je vais continuer le régime jusqu’au bout. À Moscou, Delphine a la bonne idée de réserver les chambres à l’Ibis pour nous éviter de dormir par terre dans l’aéroport et après un dernier chicken or beef sur le Moscou-Paris, bienvenue en France !


Dimanche 23 juin

Courte nuit à l’hôtel et c’est à 6h ce matin que nous nous séparons. Chacun retourne vers son quotidien avec ses émotions, ses souvenirs, ses projets de revenir.  Pour moi, c’est une nouvelle page qui s’écrit et qui se tourne mais chaque retour me rapproche de mon prochain départ. En octobre je serai de nouveau au Bangladesh avec d’autres enfants à soigner, d’autres enfants à aimer.