dimanche 11 novembre 2012

Kaboul dimanche 11 novembre 2012



Très bonne nuit qui fait du bien, nuit sans rêves et sans appel de la réa qui plombe le sommeil. Je resterais bien un peu au lit mais, derrière le rideau, le soleil me fait un petit clin d'œil qui veut dire debout. Petit déje avec Alexander et départ à l'hôpital dans ce petit matin frais d'un automne qui s'avance au parfum de début d'hiver.

Au bloc, Rassoul est off; invité à un mariage hier soir, il a dû faire la bringue toute la nuit. Et quand  Rassoul est off et qu'il y a beaucoup de travail au bloc, personne ne bat correctement la mesure, et c'est, à 8h15 déjà, un joyeux bordel qui s'annonce. Aucun patient n'a encore été appelé, chacun discute dans son coin, les plus futés se sont enfermés dans l'office et boivent un thé... Ben voyons... Ça finit par bouger, lentement et péniblement, mais les enfants arrivent quand même et chacun récupère le sien dans le sas. En chirurgie cardiaque, il y a deux enfants prévus aujourd'hui, opération à cœur fermé, fermeture de canal artériel. C'est devenu une chirurgie "banale" que le staff local maîtrise parfaitement.
Ce qui est moins banal, c'est ce petit bonhomme de 7 ans, porteur d'une tétralogie de Fallot et qui a une hémiplégie; le scanner a révélé un abcès cérébral qu'il faut évacuer. Du fait de sa cardiopathie, il est très cyanosé et il arrive épuisé, tenant, avec sa main gauche, sa main droite paralysée. Cardiopathie + neurochirurgie, je ne gère pas et c'est le Dr Nasim qui s'est spécialisé en anesthésie pour la chirurgie cardiaque qui vient à ma rescousse et tout se passe bien avec un chirurgien performant. Depuis six ans, ils sont devenus bons dans toutes les spécialités grâce aux missions françaises et aux stages qu'ils ont faits en Inde, au Pakistan ou, pour les plus chanceux, en France. Et, pendant ce temps, le gros infirmier de salle de réveil joue au billard, avec un infirmier anesth, sur  l'ordinateur de la banque du bloc. Ça va peut-être me mettre un peu en colère. Le réveil est géré, entre deux prières, par sa copine voilée et vogue la galère ! Elle ne vogue pas longtemps car Nasim, qui me semble remplacer Rassoul en son absence, pousse un coup de gueule court mais bref qui renvoie les boules de billard dans leurs trous et les joueurs dans leurs salles. Bon, on reprend. Le petit avec l'abcès cérébral part en ICU, on réveille la hernie et on appelle - tiens, mais où est passé le responsable de l'appel des patients ?  - donc, dès qu'on l'a retrouvé, on appelle le petit de 4 ans pour une lithotritie. Nasim est reparti en chirurgie cardiaque, le gros est de nouveau à l'ordi où il joue à la guerre et ça va peut-être me mettre encore un peu plus en colère. Deuxième lithotritie, hernie, fente palatine, je déjeune vite fait entre deux, sans M. Din qui est en chirurgie cardiaque et qui a déjà mangé. Mais je retrouve à la cantine - où c'est de nouveau le jour de la soupe aux yeux gluants - euh... pour la recette, c'est ok ? tout le monde l'a ? - l'ingénieur qui parle Français et avec qui je partage un court mais excellent moment.

Dernière fente palatine, importante, près de 3h au bloc. Salle de réveil avec Salim qui est de garde. Nous parlons longuement de la religion musulmane - j'vous l'fais phonétique pour musulmane : "mousslime" - non pas mousseline comme la purée, mousslime - dont il m'explique les joies, que du bonheur en fait. Nous les filles, on planque tout sauf les yeux, visage toléré, c'est selon, on cause pas aux mecs et si on désobéit on se fait taper dessus. Évidemment, on ne vit avec un homme que si l'on est mariée, sinon... Ben sinon, on se fait lapider, c'est pas plus compliqué qu' ça. Pour le quotidien, c'est cool, on reste à la maison avec les enfants, on fait la prière 5 fois par jour et il me l'assure, on est très heureux... Et je n'ai aucune raison de ne pas le croire sauf que, pour me convertir, je crois que je vais attendre encore un peu. Maintenant, il veut absolument m'offrir un cadeau pour rapporter en France et propose... des kébabs ! - "Ben,oui, c'est une super bonne idée mais tu crois vraiment qu'elles vont faire le voyage ? - Pas de problème ! - Mais chuis végétarienne !" Là ça l'interpelle et je crois que finalement il va m'offrir des raisins secs et ici, ils sont délicieux.

19h : retour maison. Soirée au calme, fin d'une journée ordinaire d'une mission ordinaire à Kaboul. Demain arrive Johanna, une jeune interne d'anesthésie parisienne qui a pris quelques mois de dispo pour travailler au FMIC. Je suis chargée par La Chaîne de l'Espoir de l'aider à prendre ses marques pendant les quelques jours qui restent avant mon départ. Je vais vite fait la mettre dans la poche de Rassoul et tout ira bien, c'est sûr, because avec Rassoul, ça roule ... ou, c'est cool ! Bon, c'est pas drôle, ok, mais c'est la fin de la journée et je vous envoie à tous plein de bisous des petits de Kaboul.

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