mardi 13 novembre 2012

Kaboul lundi 12 novembre 2012




Retour de Rassoul ce matin et meeting dès 8h dans son bureau. Le Dr Rasha, un jeune anesthésiste, annonce que sa femme a accouché cette nuit de son 4ème enfant; son aînée a 10 ans et il semble très heureux. Changement de rythme; quand Rassoul est là, on ne rigole plus et, à 8h15, tous les enfants sont en salle et les inductions commencent. Cette fois, personne ne discute et chacun est à son poste. Je ne pense pas qu'aujourd'hui on joue beaucoup au billard ou à la guerre. Et moi je valse O.T. 4 (operating theatre),
O.T. 2 and back to O.T. 4, mais je m'en fous. Chirurgie réparatrice après brûlure d'une partie de la face chez un jeune garçon de 12 ans. Son oreille ressemble à tout sauf à une oreille et je me demande quel sera le résultat final car c'est une chirurgie très spécialisée. Youssouf est l'infirmier anesthésiste de cette salle et je n'aime pas beaucoup travailler avec lui parce qu'il est très prétentieux et joue au docteur, ne supportant aucune remarque en dehors de celles de Rassoul. Je l'appelle Dr Youssouf et je crois que ça l'agace un peu. La cuve de gaz anesthésique est vide, je le lui dis, il secoue la tête et ne bouge pas. Quelques minutes plus tard, l'enfant se réveille, le chirurgien gueule et cette fois il remplit la cuve. Je me contente de sourire, mais je ne dis rien, je ne veux surtout pas de conflit.

Nouveau kyste hydatique pulmonaire : thoracotomie chez une petite fille de 6 ans. C'est une pathologie fréquente ici, transmise par les chiens qui, bien sûr, ne sont pas vermifugés, avec des localisations essentiellement pulmonaires et hépatiques. Comme il y a 3 jours, je suis avec Waheed et nous nous préparons à passer un moment délicat à l'incision du kyste. Décharge d'adrénaline au plus fort de la tempête et le calme revient, l'enfant va bien, nous n'avons pas vu Rassoul... Pendant cette intervention, entre au bloc un homme dont la longue barbe dépasse des 3 masques dont il a couvert son visage. Il me met très mal à l'aise et celui-là, je suis sûre que c'est un "mousslime" pur et dur. Waheed me dit qu'il vient d'un autre hôpital juste pour un training et ça me rassure de ne pas le voir tous les jours. Il est 15h quand nous descendons déjeuner, Rassoul, Waheed et moi, vite, vite, avant la fermeture de la cantine et on nous sert un délicieux riz palao, avec des raisins et des lamelles de carottes, je me régale. 

Nous remontons au bloc, mais le programme est en fait terminé. J'en profite pour aller à la réunion que fait chaque après-midi à 16h Alexander pour l'accréditation américaine qui doit se passer en 2013 et qui est un boulot de titan. Les Afghans semblent impliqués dans le processus car ils sont une bonne trentaine cet après-midi, attentifs aux propos d'Alexander qui se donne un mal fou pour faire avancer la machine d'une lourdeur administrative que chacun peut imaginer. À la fin de la réunion, il me parle de la chirurgie cardiaque qui l'inquiète pour cette accréditation. C'est la vitrine de La Chaîne de l'Espoir à Kaboul et c'est "touche pas à mon pote" depuis Paris. Mais en dehors de Najib qui est afghan et respecte les standards de l'hôpital, chaque équipe française arrive en roulant des mécaniques, fait ce que bon lui semble, réclame 5 lits de réa, prescrit en Français et non en Anglais, explique qu'elle est la meilleure parce qu'à Nantes on ne fait pas comme à Toulouse, ni comme à Paris et le personnel afghan n'y comprend plus rien. Quand on voit avec quelle simplicité les choses se passent avec Najib, on ne peut que regretter qu'il ne veuille pas rester à plein temps au FMIC, mais on peut aussi le comprendre. 
À la grille de l'hôpital, c'est un ballet incessant d'hommes et de femmes en burka, serrant dans leurs bras des enfants. Tous sont fouillés à l'entrée; la sécurité est très stricte et nul n'échappe aux gardiens.

Ce soir, pas d'eau chaude et j'écourte la douche car je grelotte, le chauffage de la salle de bain étant cassé. Raviolis aux herbes pour le dîner, c'est carrément la fête sauf que le chauffage ne fonctionne pas non plus dans la salle à manger et qu'on dîne avec 3 pulls, 2 polaires et 1 écharpe. Et je pense aux familles qui vivent dans les maisons en terre dans les collines au-dessus de Kaboul où il doit aussi faire très froid. Arrivée ce matin de Johana, l'interne d'anesthésie; elle a l'air cool, ça devrait bien se passer. 

En ICU, il ne fait pas très chaud non plus. Les enfants tentent de se reposer sous le regard apeuré ou épuisé des parents qui les couvent. Les machines bipent, les infirmiers s'interpellent , c'est bruyant et fatigant, mais les petits se battent parce qu'ils n'ont pas le choix et je les crois, moi, vraiment doués pour la vie. 

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