jeudi 8 novembre 2012

Kaboul mardi 6 novembre 2012



Nuit moyenne, je me réveille plusieurs fois, le froid? Qu'importe. Pendant que je déjeune, Mohammed Din frappe à la porte de la guest house. Il m'apporte des cerfs- volants qu'il a achetés hier soir pour me remercier. Ils sont bien enveloppés dans un carton crasseux - ce dont il s'excuse, Monsieur plaisante ? - pour que je ne les casse pas. C'est Philippe qui avait envie de ces cerfs-volants, il va les avoir. Les cerfs-volants de Kaboul, tout un symbole et beaucoup d'émotion aussi quand on connait l'Afghanistan. Lisez ce superbe livre de Yasmina Khadra, Les cerfs-volants de Kaboul,  si vous ne l'avez pas encore lu. Autre visite, celle de Kate. Kate est américaine et vit depuis plus de 10 ans en Afghanistan. Pendant la guerre, à l'époque des Talibans, elle abritait des enfants dans la vallée du Panshir et avait installé un dispensaire à proximité. Aujourd'hui Kate accueille, dans une maison de Kaboul, des enfants pauvres qui habitent loin et qui doivent être opérés au FMIC. Les petits vivent là avec leur famille et repartiront après leur hospitalisation. C'est la maison des enfants, la maison de Kate, subventionnée par La Chaîne de l'Espoir. Actuellement, la plupart des enfants viennent de la vallée de Kapisa. Je lui demande si je peux venir visiter la maison et faire des photos des enfants vendredi, seul jour férié, et donc de break pour moi en pays musulman, et elle est d’accord.

Au bloc, dans le bureau de Rassoul, à 8 h, court staff avec les médecins et les infirmiers anesthésistes pour se répartir le travail. Rassoul parle aussi de la certification américaine que tente d'obtenir le FMIC; c'est le gold standard le plus élevé aux Etats Unis et ce serait super que le FMIC l'obtienne car il ferait de lui un hôpital de référence internationale. C'est Alexander qui est responsable du programme et cela lui donne un boulot énorme. Pour l'aider, il mobilise les médecins de chaque spécialité, Rassoul, lui, mobilise ses troupes en anesthésie.

Chacun regagne son box... euh... sa salle et je croise Djalil qui me propose de m'emmener à 10h30 au Malalaï Hospital, plus grosse maternité de Kaboul où ils ont chaque jour une centaine de naissances dont environ 30 césariennes, un truc de fou. La directrice est une femme,  tous les médecins sont des femmes. Djalil doit faire une présentation sur la hernie diaphragmatique congénitale et Amina sur l'encéphalopathie anoxique néonatale. Je le rejoins dans son bureau, aux urgences, où l'agitation fait peur. Il y a des enfants et des parents partout, assis, debout, tentant de faire le forcing pour passer devant les autres 
et je me demande vraiment comment les infirmiers et les médecins arrivent à gérer.  Nous partons avec 3 autres chirurgiens, dans un 4X4 de l'hôpital, dans la circulation intense de Kaboul, ballottés et secoués dans d'étroites ruelles en terre complètement défoncées avant de rejoindre la route goudronnée et de gagner Malalaï. La présentation est en Dari bien sûr, mais les diapos sont rédigées en Anglais et ça me permet de suivre. Après les remerciements de rigueur - tatchakor, tatchakor = merci, merci -  nous regagnons les voitures et je comprends que nous sommes invités au restaurant par le service marketting de l'hôpital qui a organisé cette rencontre. Je ne sais pas du tout ce qu'est le service marketing mais qu'importe, on est invités, on y va. Restaurant typiquement afghan où nous mangeons par terre, assis sur des tapis, menu typiquement afghan : Dour,  yaourt liquide salé aromatisé avec des herbes, soupe afghane gluante où nagent des petites pâtes et des petits morceaux de légumes, puis ils commandent des kébabs et quand je dis que je suis végétarienne, je sens que ça va coincer, mais ça ne coince pas du tout car on me sert des ashaks qui sont des raviolis farcis avec de la verdure, proche des épinards, arrosés d'une sauce au yaourt très légèrement épicée, délicieux. L'ambiance est gaie, je ne sais pas ce qu'ils racontent mais ils éclatent sans cesse de rire et, même si je ne comprends rien, c'est sympa d'être là. Nous ne nous attardons pas longtemps, le programme du bloc attend, Rassoul vient d'appeler Djalil pour savoir à quelle heure nous rentrons. Départ.   

Retour au bloc où il reste 4 patients à opérer, Rassoul bat la mesure et chacun reprend sa place. À 17h, il me demande s'il peut s'en aller, ça me paraît un peu normal, je n'ai pas beaucoup bossé ce matin. Il est 19h quand je termine, après avoir transféré le dernier patient en ICU. À la guest house, les autres m'attendent et j'apprends que nous sommes invités à dîner chez les Pakistanais dont la maison est en ville. Les Pakistanais forment l'équipe de l'Aga Khan, partenaire de La Chaîne de l'Espoir au FMIC et travaillent sur le site, en partenariat avec les Français. L'administration du FMIC est pakistanaise mais il y a aussi des médecins et des infirmiers pakistanais. Douche vite faite et au moment où nous allons partir, je suis rappelée en ICU par Amina pour un bébé de 4 jours qui est en détresse respiratoire mais que l'on aurait dû opérer d'une atrésie de l'œsophage. Vu son état, on ne l'opèrera pas, il ne passera pas la nuit, mais elle a un peu de mal à l'entendre.
Soirée agréable chez les Pakistanais, petit sentiment de malaise car les femmes ne dînent pas avec nous. Excellent repas, leur chauffeur qui est venu nous chercher nous ramène avant le couvre-feu. Je repasse en ICU faire un bisou à Amina et je me couche parce que je suis un peu crevée et que le programme du bloc demain est lourd.

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