mercredi 21 mars 2012

Bangladesh jeudi 13 octobre 2011




Meilleure nuit. C'est le soleil qui me réveille à 5 h 45, mais pourquoi ai-je  l'impression que l'énergie commence à faiblir? Allez, je me secoue, tandis que le bateau s'éveille bruyamment et qu'une vague odeur d'oignons frits me donne envie de vomir.
Au petit déje, ce sont les œufs au plat qui sentent la friture - au secours!!!! j'ai envie d'un yaourt! - Du calme, pas de fantasme sur la bouffe, je me concentre sur ce délicieux thé bangla, ce nom moins délicieux pain de mie grillé, cette savoureuse confiture de fraises et je pars vite vers l'hôpital de la plage où je sais que Yassin, le petit de 8 ans que nous avons opéré dimanche de la main, a très mal. Il est dehors, le visage crispé, le regard triste. Je le ramène au bloc pour refaire son pansement et le calmer.
En salle de réveil, les patients ont déjà attaqué les gamelles de riz avec quelques haricots et mangent de bon appétit; ce matin encore, je refuse les invitations à partager le repas....

Le programme commence par Rikta, fillette de 9 ans qui a, elle aussi, de très graves séquelles de brûlures des membres inférieurs: rétraction du genou droit à près de 90 degrés sur la cuisse et deux pieds palmés aplatis qui font juste figure de décoration. Elle ne pleure pas du tout tandis qu'Angelina l'amène au bloc et que je la shoote avant de piquer la rachi. Didier répare au mieux, après 4 h 30 de galère.

Break à 13 h 15, nous commençons tous à être un peu fatigués. Le riz de Johnny, seul aliment non gras, doit séjourner depuis longtemps sur le bateau et a un goût de poussière très prononcé, les lentilles ont du percuter un wagon de piments et nous crachons le feu et chacun se demande de quel légume sont issues ces lanières jaunes qui prennent un cours de natation dans une sauce orangée. Marine n'aime pas... et pour que Marine n'aime pas!!! Mais c'est mangeable, sans plus... Johnny, Johnny!!! Il va falloir se reprendre!!!  

Après un bon... euh... un mauvais... bref, après un café, nous sommes de nouveau d'attaque. L'étroite coursive qui mène au bloc est blindée de patients et nous devons nous contorsionner pour atteindre notre lieu de travail. La mission ophtalmo arrive dans 2 jours par l'hydravion qui nous ramène à Dacca et les consultations commencent pour faire un premier tri de ceux qui seront opérés.

Une brûlure rétractile du pied sous bloc sciatique chez un jeune garçon de 9 ans puis Didier refait deux pansements pendant que je pique un bloc axillaire. Muslim, 8 ans, brûlé au bras gauche, a le coude bloqué par une bride et la main symphisée à 90 degrés sur le poignet. Je le fais dormir pendant les petites trois heures trente que dure l'intervention.

Il reste encore Akash, 18 ans, dont la main ressemble à un gant de boxe. Bloc axillaire et sédation, tout commence bien sauf qu'il y a beaucoup de peau à greffer que Didier va prendre sur les cuisses et que je dois faire une anesthésie générale. Il est 20 h 15, nous sommes fatigués et nous n'avons plus rien pour travailler, plus de champs, plus de casaques, presque plus de compresses et le dermatome n'a pas été restérilisé. En fouillant dans des placards, nous trouvons des champs et des casaques en papier et il faudra bien se passer du dermatome...

Et c'est à... 22 h 40 que nous quittons gaiement le bloc, DÉ-CAL-QUÉS!!! Notre pauvre Johnny n'y comprend plus rien, sur cette équipe de cinglés qui déjeune à 17 h un jour, dîne à 23 h le lendemain. Même sourire impassible, même soupe au manioc... Ivre de fatigue, je titube quand nous changeons de bateau pour regagner l'hôpital où nous dormons et je chancelle sur la passerelle qui se balance. Passer par-dessus bord ce soir clôturerait joyeusement la journée!!!

Je repasse en salle de réveil pour les consignes de la nuit. Personne n'a mal, les petits dorment, les grands chuchotent, le dernier opéré émerge doucement.
La température est plus supportable ce soir et je suis vraiment hors jeu. Vite au lit, demain risque aussi d'être chargé.

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