lundi 25 juin 2012

Mongolie mercredi 20 juin 2012



Nuit à peu près correcte, mais dormir sur une planche est pourvoyeur d'escarre et un peu douloureux. Quant à l'oreiller aux grains de blé, je vous le recommande pour l'escarre d'oreille si vous dormez sur le côté.
4 heures du matin : le téléphone retentit bruyamment; non, non, ça n'est pas une urgence, juste une erreur....  et de qui on se fout là ? Nous rendormir relève de l'exploit d'autant que le jour, levé à 4h30, inonde rapidement notre chambre.
6h45 : le réveil sonne et, après un débarbouillage rapide à l'eau glacée, je descends pour le petit déjeuner. En bas il n'y a personne, la salle de resto est fermée à clé, donc tout va bien. J'appelle et une femme apparaît, un balai à la main, totalement éberluée. Avec trois mots de Mongol je lui fais ouvrir la salle, je cherche et je trouve le cahier où la serveuse d'hier soir a gribouillé notre commande et elle le regarde de façon contemplative en hochant la tête et en émettant les sons typiques du Mongol qui ne comprend rien, Delphine tu vas reconnaître : -" mmmmmmmm mmmmmmmmm tsétsétsétsé " Traduisez : " tu m'emmerdes ". Comme je dois avoir l'air un tout petit peu fâché et que je répète
 " hôpital, hôpital " sans savoir du tout si elle comprend, elle donne un coup de téléphone qui aboutit au débarquement d'un Mongol hirsute qui vient de tomber du lit et qui se demande vraiment ce qui lui arrive. Racha vient de descendre et m'aide à gérer. J'ai déjà mis des jus de fruits sur la table, vont suivre un énorme pot d'eau chaude, des sachets de thé, du lait en poudre, un œuf au plat pour Didier, de la margarine et des petites tartines de pain rassis. Ben voilà, tout va bien. Didier arrive quand tout est enfin prêt, Stéphanie arrive quand nous avons terminé...

L'hôpital de Khvod


Le chirurgien mongol nous attend et nous partons en voiture à l'hôpital. C'est un bâtiment blanc de deux étages qui jouxte un autre bâtiment tout neuf, la maternité, offerte par le député local qui doit avoir plein de sous  et où se font 2000 accouchements par an; je vais demander d'aller la visiter demain. Dans l'immédiat, on nous conduit au bloc opératoire qui comprend deux salles : une grande, bien équipée, avec un scope et un respirateur, et une beaucoup plus petite où peuvent se faire des interventions sous rachi ou ALR. Tout est propre, fonctionnel, lumineux; c'est un lieu qui donne envie de travailler. Pas de salle de réveil mais ils sont ok pour libérer une chambre à proximité avec un obus d'oxygène pour la surveillance du post op immédiat. Je pose des questions sur les techniques anesthésiques et les médicaments dont ils disposent. Ils ont des morphiniques, du curare et du thiopental, pas de Diprivan qu'ils connaissent mais qui est trop cher. Ils ne font pas du tout d'ALR car ils ne savent pas, mais aimeraient apprendre.





Dans une salle voisine, la consultation s'organise et nous voyons trente et quelques patients, beaucoup d'enfants avec des séquelles de brûlures plus ou moins récentes. Un  bébé de quelques mois a  brûlé vif alors qu'il dormait seul dans la yourte qui a pris feu; il est défiguré et amputé de la main droite. Deux femmes sont tombées dans l'eau  bouillante  la tête la première et ressemblent à ces femmes vitriolées que nous avons opérées au Pakistan. Elles ouvrent à peine la bouche, ont d'énormes rétractions du visage et du thorax et le cou bloqué en flexion. Tous veulent être opérés demain mais nous expliquons que nous allons revenir bientôt, en octobre peut-être. Didier propose d'en opérer deux demain sous anesthésie locale; nous ne pouvons rien faire d'autre car il y a actuellement une équipe de Japonais qui opère des fentes palatines et occupe le bloc.



Didier en consultation

Un enfant de 10 mois arrive pour faire un pansement; il est gravement brûlé au visage, au thorax et au bras et se met à hurler lorsque le chirurgien commence à défaire les bandes. Nous proposons de le faire sous anesthésie et je sens l'anesthésiste perplexe et inquiet. On m'apporte de la kétamine dans une boîte de plastique aux ampoules bien rangées, je lui indique la posologie et j'injecte. En quelques minutes, c'est un enfant apaisé qui s'endort et le pansement se fait sans un cri devant une maman que je sens soulagée.





Tandis que nous terminons, arrive la directrice de l'hôpital qui semble  en colère; j'apprends par Racha qu'elle s'appelle Papillon. Elle a organisé une sortie avec pique-nique pour l'équipe médicale japonaise et le départ est tout de suite, là, immédiatement. OK pour les Japonais mais je termine le pansement. Papillon s'énerve mais m'attend et nous rejoignons dehors les Japonais et une partie de l'équipe de l'hôpital. 
Il est midi quand trois 4x4 et une ambulance s'ébranlent. Nous devons aller visiter la plus ancienne grotte de Mongolie qui contient des peintures rupestres. Ce que personne ne nous dit, c'est que la dite grotte est à 110 km de piste, soit trois heures de voiture. La route goudronnée déroule son ruban gris sur quelques kilomètres et rapidement c'est la steppe, le désert, les cailloux, les trous et les bosses, les cahots qui fracassent le dos et la migraine qui explose la tête. La chaleur est accablante et les petites bouteilles d'eau, déjà tiède, permettent juste de rafraîchir nos gorges asséchées par la poussière.
Premier arrêt près d'un ovo, équivalent d'un stupa au Népal. Autour de ce gros monticule de cailloux sacré, enrubanné d'écharpes bleues, il faut tourner une ou trois fois, jamais deux, toujours dans le sens des aiguilles d'une montre en faisant des vœux et en lançant en l'air des aliments ou de la vodka pour les Dieux et les animaux... Posez pas d'questions, c'est comme ça... Je vois Papillon ouvrir une boîte de conserve qui me semble être du thon à l'huile. Elle s'avance vers moi pour que je prenne une offrande et je suis rassurée de voir que ce ne sont que des arachides. C'est donc une poignée d'arachides à la main que je commence à tourner; au 1er tour, je prends mes marques, au 2ème tour, je lance et au 3ème je fais un vœu.











Nous repartons et notre caravane s'éparpille rapidement. Il est vrai que la steppe ressemble à la steppe et que, dans ce désert poussiéreux, il est facile de se perdre. Nous roulons depuis près de deux heures quand nous nous retrouvons seuls. Racha nous dit que notre chauffeur, originaire de Khvod, est celui qui connaît le mieux la route vers la grotte. Il s'arrête, appelle sur son portable ses potes qui sont loin derrière et c'est à 15h que nous arrivons les premiers à un camp de yourtes planté en plein milieu de la montagne, après avoir traversé un torrent. On nous propose de nous préparer des spaghetti avec du poulet et, tandis que Didier, une bière à la main, part avec Stéphanie rêvasser au bord de l'eau, les autres voitures arrivent, avec le pique-nique transporté dans de grandes gamelles : une salade de carottes et de  choux, des chaussons à la viande et du riz au mouton. La salade est  bonne et tout le monde semble se régaler de ces mets mongols. Nouveau départ groupé vers la grotte. Elle est là-haut, tout là-haut de ce chemin de caillasses et de poussière qui monte presqu'à la verticale.






L'estomac calé par trois carottes râpées, c'est avec une énergie débordante que j'attaque l'ascension, suivie de près par un Mongol qui souffle comme un cachalot. Arrivés dans la grotte, nous cherchons avidement les peintures; on nous a dit à gauche en entrant. Le premier qui trouve a gagné des spaghetti! Mais personne ne va trouver car elles sont, paraît-il, cachées sous la poussière. Tandis que les Japonais se photographient sous toutes les coutures, nous redescendons et repartons vers le camp de yourtes. Il est plus de 17h et après les carottes râpées et le repas mongol à 15h30, nous attaquons les spaghetti bolognaises mais je sauve une assiette de spaghetti nature. La boisson qui accompagne est un grand verre d'eau  bouillante, servie elle aussi nature, genre station thermale et, pour éviter le pire, je dis que je n'ai pas soif.
C'est à 18h que nous reprenons la piste qui va nous ramener à la maison. A la queue leu leu, nous retraversons le torrent et puis les 4x4 commencent à faire la course dans un énorme nuage de poussière. Nous proposons au chauffeur de nous ramener vivants, ce qui le fait beaucoup rire.
Dans le soleil qui se couche sur les montagnes noires où les nuages s'effilochent dans un ciel qui vire au gris, nous côtoyons des chameaux, image irréelle dans ce paysage lunaire d'un pays où la vie se gagne dans un combat quotidien. Et c'est à la nuit tombée que nous entrons dans Khvod.



Passage obligé par le resto pour commander le petit déje à 7 h; comme hier, la commande est inscrite sur un cahier d'écolier et comme ce matin, sans doute, rien ne sera prêt à l'heure. Didier doit payer ce soir les petits déje de ce matin : 12 000 tugriks, soit 3 euros par personne ce qui est très cher pour la Mongolie et pour ce qu'on nous a servi.

Il faut vraiment être motivé pour la douche sous un microscopique filet d'eau à peine tiède. J'ai dû zapper le créneau horaire de l'eau chaude. Mais c'est avec un fond de shampoing offert par Racha et un échantillon de gel douche Hermès offert par Didier et quelque peu décalé dans cette salle de bain miteuse, que je réussis à devenir propre. Je vous rappelle qu'en tant que réfugiée, je vis des dons charitables de mes coéquipiers et j'ai ce soir une pensée  pour mon sac qui fait peut-être le tour du monde dans les avions d'Aeroflot ou qui agonise, éventré, à la douane de Moscou.
Demain départ à 8 h pour l'hôpital, nous retrouvons les copains demain soir à Ulan Baatar.










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