Retour en
Afghanistan pour une... 5ème ?... mission au FMIC, French Medical Institute for
Children, l'hôpital d'enfants de Kaboul. Départ de Pau hier matin. Air France
vient d'arrêter sa grève - merci Air France
- et je vole sans encombre de Pau à Paris et de Paris à Dubai. Avant
d'embarquer pour Dubai, je retrouve Agnès, sage-femme, et Jean-Michel, chef de service de gynéco obstétrique à Pontoise, qui viennent, pendant
une semaine, faire une évaluation dans le cadre du projet de l'hôpital
mère-enfant dont la 1ère pierre a été posée en octobre. C'est un projet
ambitieux et formidable pour ce pays où les accouchements se font dans des
conditions déplorables d'hygiène et de souffrance et où la mortalité et la
morbidité néonatales sont très élevées. À Dubai, il faut : faire une heure de
queue pour passer la police, récupérer les bagages dans un joyeux bordel de
sacs déjà sortis du tapis roulant et entassés par terre n'importe comment,
prendre un taxi pour rejoindre le terminal 2, terminal pourri excentré du
terminal 1 — tout en dorures et scintillements, lui — enregistrer de nouveau
les bagages, repasser les formalités de police et attendre 4 heures le
décollage vers Kaboul. A côté de l'inévitable Mc Do qui pue, nous trouvons un
petit boui-boui où un serveur adorable nous concocte un délicieux cocktail de
fruits frais dont nous nous régalons. Le cocktail ne fait pas avancer
plus vite les aiguilles de l'horloge qui égrène les heures à un rythme
interminable. Je m'endors, la tête posée sur la table et c'est l'annonce tout
en douceur de l'embarquement pour Kaboul qui me fait sursauter. Je mets le
pilote automatique pour sortir ma carte d'embarquement, monter dans le bus,
escalader la passerelle de ce Boeing 737 tout neuf de la compagnie FlyDubai qui
fait 7% de réduction à La Chaîne de l'Espoir, boucler ma ceinture et me
rendormir. Le steward me réveille pour me proposer un repas dont je ne veux pas
et je m'aperçois que l'avion est pratiquement vide. Vite allongée, vite
rendormie, je me réveille 3h30 plus tard alors que nous amorçons la descente.
Il fait un temps splendide, grand soleil dans un ciel d'azur où se découpent
les montagnes sombres qui entourent la ville, posée dans une cuvette à 1500 m
d'altitude. Sur les collines environnantes, les maisons en torchis où habite la
plus grande partie de la population; c'est là que loge la majorité du personnel
du bloc. Il est 7h45 — Paris + 3h30 — bienvenue à Kaboul en ce matin de
novembre d'un automne aux saveurs de printemps. Les températures sont douces,
les lumières sont belles, Agnès et moi nous voilons avant de descendre de
l'avion. Et puis il faut encore remplir des formulaires, coller des photos
d'identité, signer des papiers et récupérer nos sacs, bien arrivés mais de
nouveau balancés par terre, on a l'habitude. Pour des raisons de sécurité, le
parking est assez loin de l'aéroport mais je connais la route et nous
retrouvons notre chauffeur qui me serre dans ses bras au risque de m'étouffer.
Trajet sans encombre jusqu'au FMIC, mais la circulation est intense et il faut
passer en force à coups de klaxon et de manœuvres intempestives. La ville a
l'air calme mais... On est à Kaboul... Alexander, le médecin pédiatre responsable
de l'hôpital, me confirme que ponctuellement il n'y a pas de problèmes de
sécurité, mais que les conditions changent vite et qu'il faut rester
vigilant... On est à Kaboul... Vite fait, un thé et je pars au bloc où je
retrouve mes amis. Rassoul est toujours le chef de service d'anesthésie et son
sourire éclatant à mon arrivée traduit, à l'évidence, le bonheur de nos
retrouvailles. Les infirmiers anesth ont changé, il reste 3 anciens et il y a 2
nouveaux. Et c'est le défilé des infirmiers du bloc, welcome in Kabul, welcome in
Afghanistan... Mohammed Din, mon ami de longtemps, depuis l'ouverture de
l'hôpital il y a 6 ans, est off aujourd'hui mais sera là demain. C'est le seul
infirmier afghan formé pour la circulation extra corporelle en chirurgie
cardiaque.
Bon, Rassoul, perdons pas
not' temps; il me pousse au bloc 2 où l'anesthésiste n'arrive pas à piquer un
bloc de bras chez un adolescent de 15 ans, pas d'problème, chuis spécialiste,
il me happe ensuite vers le bloc 4 pour aider l'infirmier à endormir un petit de
3 ans qui a un pied bot et trois p'tits tours et puis s'en va. Je tente de
reprendre mes marques, mais je suis un peu fatiguée et, de toute façon,
l'infirmier gère très bien avec ou sans moi. Cantine à 14 heures, assiette de
riz traditionnelle que je partage avec Amina, l'anesthésiste responsable de la
réa. Nous sommes heureuses de nous retrouver. Je l'avais quittée épuisée,
débordée de boulot, envisageant de tout plaquer, je la retrouve détendue,
souriante, apaisée. Il y a maintenant pour l'aider 6 médecins en réa, des
jeunes motivés et compétents et elle peut bien travailler. Je lui offre des
cadeaux, un peignoir en éponge, des gels douche, des dentifrices et des parfums
et je vois son sourire s'élargir au rythme des objets qui sortent de mon sac. Elle
me remercie de ne pas l'avoir oubliée mais comment oublier Amina, son sourire,
sa douceur et sa gentillesse et accessoirement son sérieux et sa compétence
?
16h, le programme opératoire
est terminé, je vais en réa pour les transmissions à l'équipe de garde qui vont
me permettre de faire connaissance avec les petits patients. Comme d'hab, le
service est plein, 15 lits, 15 enfants, dont 6 bébés de moins de 15 jours,
souffrance et infection néonatales. Les autres ont entre 3 mois et 3 ans, 4 ont
des séquelles neurologiques irréversibles, encéphalite ou hémorragie méningée
et il est question d'interrompre l'assistance respiratoire et de les faire
rentrer à la maison... Au bout de la salle, Abdullah, 9 ans, est un petit
garçon orphelin dans le coma. C'est son oncle qui veille sur lui et tire sans
cesse sur ma blouse en répétant Pakistan. J'appelle un infirmier qui parle
anglais et qui m'explique que l'oncle veut que j'emmène l'enfant au Pakistan
pour le soigner; il est sur la liste des enfants qui ne guériront pas...
Fin de ce premier jour en Afghanistan, je
suis crevée, les autres que je retrouve aussi. Je bois un thé en tapant mon
journal de mission, nous allons nous coucher tôt ce soir.
![]() |
Le FMIC de Kaboul. |
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